Après les fake news factuelles, continuons sur les stratagèmes de la désinformation.

n°11  anachronismes  : emploi fallacieux du terme “sévices“.

Nous avons vu comment Ixchel Delaporte tente de tromper ses lecteurs en malmenant la chronologie et en prétendant qu’en 2019, les religieux de Riaumont administraient le martinet à leurs pensionnaires.

Une étude attentive de l’emploi du mot « sévices » relève d’une stratégie analogue.

1- La première personne à avoir affirmé que les pensionnaires de Riaumont subissaient des « sévices » est Françoise S, un professeur de français du Collège public. Dans une lettre anonyme diffusée à la fin de l’année scolaire 1979, elle écrit en effet qu’au Village de Riaumont :

«Les enfants se sentent prisonniers, sans secours, découragés. Ils savent qu’à 18 ans, ils seront désarmés quand ils seront lâchés dans le monde. Plusieurs personnes parlent de sévices graves exercés sur eux. »

Ixchel Delaporte citant p.114 Françoise S.

En quoi consistent ces sévices ? Qui les a subis ? Qui les a infligés ? Quelles sont ces personnes qui témoignent ? Il ne faut pas trop demander de détails à un corbeau anonyme qui à aucun moment n’a eu l’idée de dénoncer ces prétendus « sévices » ni à la police ni à la justice.

Ixchel Delaporte l’a bien remarqué :

“À qui envoyer cette lettre ouverte ? La professeure de français commence par en parler à l’historienne Madeleine Rebérioux de la Ligue des droits de l’Homme à Paris, puis à la direction de l’Éducation surveillée à Lille et enfin à Mme Dessaint, présidente du Comité de Vigilance pour l’Enfance malheureuse de Liévin. Logique.”

Ixchel Delaporte p. 146.

Parfaitement logique en effet ! En 1979, apparatchik de gauche, François S se tourne très logiquement vers ses semblables. Elle n’a pas un instant imaginé la possibilité d’aller… au Commissariat de police de Liévin, par exemple, pour y dénoncer des “faits” susceptibles d’une qualification pénale. S’il est bien évident qu’un éducateur qui, en 2024, administrerait le martinet à des élèves serait aujourd’hui passible des tribunaux, ce n’était nullement le cas dans les années 70. Toute la mauvaise littérature de madame Delaporte repose sur cet anachronisme grossier, une ignorance affectée de la législation de l’époque et une description fantasmée des faits que le temps et le prisme idéologique ont caricaturalement amplifiés et déformés.

2- Cette information préoccupante qui chemine par le bouche à oreille finit par attirer l’attention de trois magistrats chargés d’actualiser le statut administratif du Village d’enfants.

« Cet établissement avait déjà été signalé, il y avait déjà eu des plaintes et des inspections de la part de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et de la DDASS. Ce qui a fini de nous convaincre, ce sont les lettres que Françoise, la prof de français du collège, nous a envoyées. »

Ixchel Delaporte citant p. 202 le juge Michèle Laborde.

De ces “plaintes” et de ces “signalements”, on ne saura rien en lisant Ixchel Delaporte ; il suffit que le lecteur croie qu’ils ont existé et pense qu’ils étaient, à n’en pas douter, accablants. De toute façon, ce ne sont pas eux qui ont convaincu les jeunes juges du  “Syndicat de la magistrature”. Madame Laborde livre ici un aveu de taille : la prose idéologique de Françoise S. lui a semblé plus convaincante, plus persuasive et plus inspirante que les multiples inspections des inspecteurs de la PJJ et de la DDASS qui jamais ne parlent de “sévices”… Précisons que dans sa “lettre ouverte” (et anonyme), Françoise S ne prétend nullement avoir personnellement constaté ces “sévices” et ne cite aucun fait concret, à l’exception d’une fessée reçue par “un petit asiatique qui a souillé son lit” (p.145) et de la fake new qui prétend qu’ “il n’y a pas d’infirmerie sur place” (p.144).

De cette dénonciation purement idéologique, les juges vont tirer aux forceps un retrait de l’habilitation du Village d’Enfants. Nous sommes en 1979, une ère nouvelle va bientôt s’ouvrir. L’Éducation nationale et le Syndicat de la Magistrature bouillonnent d’impatience dans l’attente de l’élection présidentielle de 1981 après laquelle ils vont prendre les choses en mains et bousculer un peu “le droit bourgeois”… quitte à se retrouver désavoués sèchement et condamnés pour faute lourde en 1998.

Ixchel Delaporte nous fait l’apologie détaillée du délit.

3- En effet, quelle va être l’attitude de ces trois magistrats alertés de l’existence possible de « sévices graves » ?

Ils interrogent d’abord le Père Revet :

« II ne se vantait pas de mauvais traitements mais il assumait devant nous les petites sanctions, le petit châtiment corporel qui n’a jamais fait de mal à personne. »

Ixchel Delaporte citant p.203 le juge Michèle Laborde.

Puis ils mènent une enquête minutieuse dont voici la conclusion :

Les juges livrent leur conclusion à la suite de nombreux témoignages issus des auditions des mineurs de Riaumont.

« Ces auditions dénoncent un lourd système d’interdits renforcé par un système de sanctions. Les mineurs de Riaumont ne disposent d’aucune liberté de conscience, le choix étant d’assister à la messe ou de faire un devoir de morale. La participation aux activités du foyer comme le chantier de maçonnerie et les camps est quel que soit l’âge obligatoire sous peine de sanctions. Le port des culottes courtes est toujours de rigueur à l’intérieur de l’établissement. La plupart vivent mal la relation hiérarchisée, voire militariste, qui existe entre eux et le personnel d’encadrement », peut-on lire.

Ixchel Delaporte citant p. 205 le rapport Laborde-Barthe-Rey (juin 1980).

Il n’est donc pas question de violence dans la conclusion officielle des juges, encore moins de « sévices graves » ce qui relègue sans ambiguïté les propos de madame Françoise S. au niveau de la diffamation gratuite.

4- Mais l’affaire n’en reste pas là …

Bien conscients que leur rapport officiel n’apportait aucun élément susceptible de justifier un retrait de l’agrément de la part des autorités de tutelle,

« nous avions bien conscience que notre rapport risquait d’être enterré. »

Ixchel Delaporte citant p.203 le juge Michèle Laborde.

les juges choisissent de faire pression sur l’opinion publique :

Constatant la difficulté de la tâche, les trois magistrates prennent l’initiative de diffuser leur rapport à l’ensemble de leurs collègues, leur laissant le soin d’en tirer leurs propres conclusions. Cela donne lieu à une lettre ouverte à tous les magistrats, signée par treize juges du Nord-Pas-de-Calais (sur dix-huit), datée du 16 mai 1980 :

Ixchel Delaporte,p. 215

Notons que la diffusion de ce rapport auprès de la base est antérieure à sa remise hiérarchique (juin 1980). Or les conclusions tirées par ce collectif informel diffèrent notablement des conclusions officielles qu’on a lues plus haut.

« Après plusieurs années de fonctionnement du foyer de Riaumont et de nombreuses dénonciations et plaintes ayant fait état de sévices physiques, les juges des enfants de la région Nord-Pas-de-Calais ne peuvent que réprouver la mise en œuvre d’un système éducatif reposant sur l’endoctrinement religieux, des principes de type autoritaire, voire militariste, étroitement dépendants de l’application d’un système de valeurs propres au directeur et ayant pour conséquences : l’intoxication idéologique des mineurs, l’impossibilité de se référer à d’autres normes que celles imposées par l’établissement, la rupture avec la famille et le milieu d’origine et une inadaptation grave à la réalité sociale. »

Ils en concluent un avis défavorable à la procédure d’habilitation.”

Ixchel Delaporte, citant p. 215 la lettre ouverte à tous les magistrats signée par treize juges du Nord-Pas-de-Calais (sur dix-huit) du 16 mai 1980.

Dans cette lettre ouverte, antérieure au rapport officiel des juges Laborde-Barthe-Rey, réapparaît le terme diffamatoire de sévices que les juges n’ont pas voulu employer dans leur rapport officiel. On appréciera l’honnêteté toute relative du procédé !..

5- Quarante deux ans plus tard, devant le micro de Ixchel Delaporte, le juge Dominique Barthe avoue avec candeur :

« Françoise nous a été d’une grande aide parce qu’elle connaissait et comprenait tout ce qui se passait à l’intérieur. »

Ixchel Delaporte citant p. 203 le juge Dominique Barthe.

Et pourtant Françoise S., témoin direct, peu regardant sur la déontologie et déjà fort mal intentionné, n’a pas dénoncé à l’époque le centième des horreurs révélées par les témoignages mis en scène avec cinquante années de retard par madame Delaporte, qui emploie le terme de “sévices” à quinze reprises (pp. 16-57-69-82-84-144-214-215-220-236-279-280-322-361-378) en compagnie d’autres termes tout aussi exorbitants : « exactions » p. 361 et « crimes » p. 352-357.

En résumé :

Françoise S. en évoquant des “sévices graves” dans sa lettre anonyme de juin 1979 propage des fausses nouvelles diffamatoires.

Les juges Laborde Barthe Rey dans leur rapport officiel de juin 1980, refusent de cautionner ces calomnies… mais…

Mais dès le mois de mai 1980, ils “prennent l’initiative” de diffuser leur rapport, avant même sa publication officielle, à un collectif informel de juges qui reprend à son compte cette rumeur diffamatoire.

Et en 2022, au micro de Ixchel Delaporte, mesdames  Laborde et Barthe, qui ont eu le loisir de vérifier en 1980 que cette accusation était fausse, abondent avec Ixchel Delaporte dans le sens d’une diffamation encore plus outrancière.

Or, de deux choses l’une :

 Soit les trois juges Laborde, Barthe et Rey, qui dans leur rapport de juin 1980 ne disent rien de la violence ni des “sévices” et ne dénoncent aucun abus sexuel,  ont participé à l’omerta dénoncée par Ixchel Delaporte…

 Soit les souvenirs traumatiques des témoins de madame Delaporte, mis en condition par leur tardive et très suspecte “prise de conscience” politique, n’ont plus guère de rapport avec la réalité objective dûment constatée à l’époque des faits supposés par ces enquêteurs officiels. Cette contradiction structurelle affecte l’ensemble du travail de madame Delaporte. Elle n’a pas pu lui échapper. Or elle se garde bien de la relever. Si elle a, au cours de son enquête, recueilli au sujet des abus sexuels quelques rares témoignages crédibles assez bien situés dans le temps, la présentation d’ensemble qu’elle en donne est délibérément faussée et mensongère, en contradiction radicale avec les données de l’époque. 


autres stratagèmes de la désinformation :

• intox n°12 psychologie de bazar : le Syndrome de Stockholm.

• intox n°13 : obsessions du complotisme.

• intox n°14 “Libération de la parole” par prise de conscience politique.

• intox n°15 :  manipulation du principal témoin

• intox n°16 [à suivre]

• intox n°17

Trop de mensonges et de 𝐅𝐚𝐤𝐞 𝐍𝐞𝐰𝐬 !..

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