Après les fake news factuelles, continuons sur les stratagèmes de la désinformation.
n°12 psychologie de bazar : le Syndrome de Stockholm.
Le Syndrome de Stockholm est le joker qu’emploie Ixhel Delaporte à chaque fois qu’elle est confrontée aux témoignages positifs d’anciens pensionnaires de Riaumont qui démentent ses accusations.
Qu’on ne s’attende pas, de sa part, à une définition précise de cette notion controversée dont elle fait dans tout son roman noir un bien aventureux usage, espérant que l’idée vague et probablement fausse qu’en a son lecteur suffira pour l’égarer.
Nous suppléons ici à cette carence pour dénoncer le déficit rationnel de ce concept pseudo-scientifique :
Le 28 août 1973, à Stockholm, une prise d’otage qui aura duré six jours prend fin de façon paradoxale. À peine libérés, les employés séquestrés font en effet à la police une demande surprenante : ils souhaitent que les preneurs d’otages soient bien traités par les forces de l’ordre. Cette proximité paradoxale entre les criminels et leurs victimes amène le psychiatre consultant pour la police, Nils Bejerot, à poser un diagnostic inédit : selon lui, en situation de danger mortel, une victime pourrait, pour survivre au stress, basculer dans une identification pathologique à son bourreau. C’est la naissance du “syndrome de Stockholm”.
Depuis, le terme est devenu, plus encore qu’un diagnostic psychologique, une expression générique. De James Bond dans “Le Monde ne suffit pas” aux protagonistes de la série “La Casa del Papel”, le syndrome de Stockholm est désormais un lieu commun de la fiction. Pourtant, la validité de ce diagnostic, qui n’a jamais été approfondie depuis sa création est aujourd’hui sévèrement remise en question : l’évaluation psychiatrique établie par Nils Bejerot n’aurait-elle pas eu pour motif inavoué de dédouaner la police de ses propres malversations, au détriment des otages ?
Cette première acception du syndrome n’a de fait jamais été validée par la communauté scientifique : Dans une étude publiée en 2008 dans la revue Acta Psychiatrica Scandinavica, sous le titre “syndrome de Stockholm : diagnostic psychiatrique ou mythe urbain ?” des chercheurs ayant recensé les publications académiques consacrées à ce trop fameux syndrome concluent que sa validité de diagnostic psychiatrique n’est pas établie, ni dans la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé, ni dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux de l’Association américaine de psychiatrie. Ils relèvent de surcroît qu’il existe notamment “une ambiguïté sur ce que signifie réellement le syndrome de Stockholm, certaines études affirmant qu’il s’agissait d’un diagnostic extrêmement rare quand d’autres suggèrent qu’il s’agit d’un phénomène plus commun”.
La littérature marxiste a fait faire à cette théorie un pas en avant en l’appliquant, très au-delà de ses limites de validité initiales, à tous les cas où, même en l’absence de stress mortel, la victime supposée d’une situation considérée comme injuste ne se plaint pas de son sort comme on souhaiterait qu’elle le fasse : conflits politiques, économiques ou familiaux. Cette grille de lecture permet à l’analyste politique de s’attribuer le beau rôle de protecteur et de porte-parole des opprimés … qu’il a préalablement condamnés au silence afin de se plaindre à leur place, puisqu’ils ne veulent pas le faire.
C’est cet avatar laborieusement recyclé du syndrome de Stockholm que Delaporte emploie pour sa charge contre Riaumont. Le caractère traumatisant de l’éducation de Riaumont est son postulat de départ. Le traumatisme subi par les pensionnaires ne peut selon elle que les amener à dénoncer les “violences extrêmes” dont ils ont été victimes. S’ils s’aventurent à les nier, voire seulement à les relativiser, c’est que, plus traumatisés encore que ceux qui les dénoncent, ils en sont devenus incapables. Ce qui est censé prouver que l’éducation de Riaumont est effroyablement traumatisante, bien plus encore que ce que dénoncent ses victimes…
Voilà comment elle commence le chapitre :
Mathurin, Philémon et Gérard ont un point commun : le syndrome de Stockholm. Pensionnaires de Riaumont au cours des années 1970, ils s’y sont croisés mais ne gardent aucun souvenir les uns des autres. Lorsqu’ils acceptent de me parler de leur quotidien dans le foyer, je m’aperçois qu’ils finissent toujours par justifier ou protéger les prêtres et éducateurs qui les ont brutalisés.
Ixchel Delaporte, chapitre 18 : Le Syndrome de Stockholm p.235
Mais quand on sort du trouble cauchemar de Ixchel Delaporte pour se référer aux données fiables de l’enquête de 2017 concernant les violences légères au Village de Riaumont, les anciens de Riaumont ne justifient pas les “prêtres-qui-les-ont-brutalisés” ; ils attestent dans leur majorité que les prêtres ne les ont pas brutalisés. Ce qui est très différent.
Bruno Raout, par exemple, principal protagoniste du pamphlet de Ixchel Delaporte, ne dit à aucun moment que le Père Revet l’aurait brutalisé. Il s’est dit tout au contraire : p.47 ‘‘préservé des violences physiques’’ et ‘‘protégé’’ par le Père Revet. Mais la faconde hypnotique de Delaporte réussit à lui faire désavouer cette protection par solidarité de classe avec les élèves qui avaient mérité des châtiments.
Précisons que dans le Dossier “Riaumont 1982-2019”, à la question :
— Question : « As-tu déjà été victime de violences ? »
les réponses se répartissent ainsi :
“Non, aucune” | 65 | 48,87 % | 109 | 81,96 % | |
“Oui, mais …” suivi d’une explication exonérant l’encadrement de tout excès | 28 | 21,05 % | |||
“Oui, une unique fois” | 16 | 21,03 % | |||
“Oui, plusieurs fois” | 24 | 18,04 % | 24 | 18,04 % | |
TOTAL : | 133 | 100,00 % | 133 | 100,00,% | |
Référence : “Il est interdit d’éduquer ” pp. 58-59 Tableau 5 :« As-tu été victime ? » |
Rappelons qu’il s’agit ici de données brutes, simple enregistrement des déclarations des élèves, parmi lesquels se trouvent de nombreux éléments perturbateurs, naturellement portés à qualifier de “violences” les mesures de maintien de l’ordre prises à leur encontre, du fait de leurs propres violences et incivilités.
Selon la théorie de madame Delaporte, la proportion des élèves de Riaumont atteints du syndrome dépasse donc les quatre cinquièmes.
Reprenons le fil de l’exposé :
Mathurin, Philémon et Gérard ont un point commun : le syndrome de Stockholm… Lorsqu’ils acceptent de me parler de leur quotidien dans le foyer, je m’aperçois qu’ils finissent toujours par justifier ou protéger les prêtres et éducateurs qui les ont brutalisés. Jusqu’à nier ou omettre l’existence de violences sexuelles.
Ixchel Delaporte, chapitre 18 : Le Syndrome de Stockholm p.235
A en croire l’auteur, quiconque prétend n’avoir pas subi des violences sexuelles à Riaumont ou ne pas en avoir été le témoin est donc “victime du Syndrome de Stockholm”… et pas qu’un peu ! Alors la proportion de victimes du Syndrome de Stockholm augmente encore considérablement. Car dans le dossier “Riaumont 1982-2019”, le seul membre de l’encadrement mis en cause pour abus sexuel est Bernard M. infirmier laïc de 1992 à 1996.
Le dépouillement exhaustif du dossier montre que les allusions à de possibles abus sexuels ne concernent que quinze dépositions sur 133. Le pourcentage des élèves ne témoignant de rien en matière sexuelle – ni abus, ni soupçon, ni même souvenir de rumeur afférente au sujet – est de 88,72 %. On s’étonnera qu’un tel syndrome ait pu affecter une telle proportion d’élèves de tempéraments différents, sur une si longue période.
Mais madame Delaporte ne s’étonne de rien. Elle sait.
Elle n’attend pas le verdict de la Magistrature.
Membre éminent de la Journalistrature, elle a déjà condamné.
autres stratagèmes de la désinformation :
• intox n°11 anachronisme : emploi fallacieux du terme “sévices”.
• intox n°13 : obsessions du complotisme.
• intox n°14 “Libération de la parole” par prise de conscience politique.
• intox n°15 : manipulation du principal témoin
• intox n°16 : [à suivre]
• intox n°17