fleur S4✿21

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(voir avant : le bouquet des abeilles / S4✿10)

bouquet des fourmis / S4✿10  Où l’on voit que nous sommes tous de la même glaise.

✔ fleur S4✿21 : traire des pucerons

Zakou aimait s’arrêter et plonger son regard sur un tout petit carré d’herbe ou de mousse. Là, quand on sait observer, une vie prodigieuse s’anime au niveau du sol sur quelques centimètres carrés. De minuscules animaux s’animent et travaillent dans tous les sens.

Il était là à regarder, le nez dans une mousse, observant les allées et venues de deux fourmis. Elles s’appelaient Myrmica et Rubra, deux amies inséparables que leur reine avait mis au défi de rapporter le plus beau trésor. Les voilà de retour, chacune chargée d’un lourd fardeau.

Myrmica sait qu’il n’y a rien de plus beau aux yeux de la reine que ses propres bébés. Alors elle a été rechercher une de ses larves fourmis qu’on avait transportée en urgence, quand l’eau menaçait de noyer la fourmilière.

C’est elle qui l’a trouvé la première et est sûre de gagner la récompense. Rubra porte un fardeau aussi gros qu’elle, mais assez banal et sans valeur. Elle est surtout jalouse secrètement de ce qu’ a trouvé son amie…

C’est terrible la jalousie, surtout quand c’est entre personnes qui s’aiment bien. “Piqûre de rose fait plus saigner que celle de l’ortie” !

Rubra avance sans rien dire, mais regarde avec envie du coin de l’œil, ce gros œuf que porte Myrmica. La fourmi Rubra avait laissé la jalousie grandir en elle, comme une verrue…

« Où allez-vous comme cela avec ces lourds fardeaux ? » leur dit Zakou.

« On cherchait de la nourriture, et on a trouvé une larve, répondirent les deux fourmis rouges. Et Rubra ajouta : notre reine a promis une belle récompense à celle qui ramènera le plus gros trésor.

« On dirait que vous portez des graines de Chélidoine, repris Zakou. Vous savez, la chélidoine c’est cette plante dont la tige est remplie d’un latex aussi jaune que ses fleurs, et qui soulage les verrues.»

« On n’a pas de verrue ! repris Rubra. Myrmica a trouvé une précieuse larve au pied d’une pimprenelle [ou une sanguisorbe]. Avec cela elle va gagner une belle récompense. Notre reine tient à chaque oeuf qu’elle pond.

Même si au total nous sommes des milliers de fourmis différentes : il y a des fourmis tisserandes qui cousent des feuilles entre elles, d’autres qui élèvent des champignons.

Il y a aussi des fourmis jaunes [Lasius Flavus] qui élèvent et protègent des pucerons, en échange du miellat qu’ils rejettent.

L’avantage avec les pucerons c’est que s’ils pompent sur les tiges une énorme quantité de sève pour en extraire quelques protéines, ils ne peuvent pas garder trop de sucre… Alors ils le rejettent sous forme de miellat qui fait notre délice !

Et ces fourmis jaunes s’organisent même pour garder les œufs de pucerons dans leur nid l’hiver. Ensuite, aux beaux jours, elles les transportent sur des plantes, où elles iront les “traire” avec leur antennes ! »

« Des fourmis qui font de l’élevage ? » dit Zakou étonné.

« Oui, elles gardent et protègent leur troupeau de pucerons ! Ces fourmis construisent une barrière sur la tige de la plante autour de leur “étable”. Barrière qu’elles fabriquent avec des particules du sol mélangées à leur salive.

« Et il y a beaucoup de pucerons ? » demanda le petit écureuil.

« Énormément. Mais il est compliqué d’arriver à suivre les multiples générations de pucerons.

D’abord parce que les premières femelles qui éclosent au printemps sont capables de donner plus de 10 jeunes par jour (et ce seront uniquement d’autres femelles)… alors qu’elles n’ont même pas été fécondées par un mâle [on appelle cela de la parthénogenèse] !

Ensuite en été, naissent des femelles de pucerons qui ont des ailes. Ce sont elles qui sont chargées d’assurer la propagation de leur espèce vers d’autres sources de nourriture.

Enfin vers le mois de septembre naît une nouvelle génération de mâles et de femelles, qui eux s’accoupleront normalement avant de pondre leurs œufs pour l’hiver. »

« Quelle organisation ! dit Zakou. J’ai connu effectivement une colonie de pucerons piqueurs de bois qui pompaient la sève d’un Tilleul. Vous connaissez ce bel arbre dont la feuille a une forme de cœur : le tilleul ? On en fait des infusions qui aident à s’endormir tranquillement.

Je me souviens de ce beau tilleul. On était au début de l’été. Et le sucre du miellat des pucerons dégoulinait tellement de branches en branches et sur les feuilles que cela attirait quantité d’abeilles et autres insectes !

Mais n’allez pas croire que leur vie n’est faite que de sucreries… Les avettes m’ont dit que leurs cousines les guêpes “aphéninidées” peuvent pondre leur œufs à l’intérieur du corps des pucerons. Beurk…

C’est ce qu’on appelle un parasite, qui vit aux dépends de celui qui l’héberge. La larve de guêpe qui éclot de cet œuf pondu à l’intérieur du puceron, va se nourrir des graisses de son “garde-manger”, en prenant soin de ménager les organes vitaux du puceron jusqu’au dernier moment.

Cela n’empêchera pas le puceron parasité de grandir encore, et de muer une ou deux fois… avant de finir dévoré de l’intérieur tout entier !

Alors, dans sa carcasse creuse et vide, la larve de la petite guêpe à la place de devenir nymphe. Avant de s’extraire à l’état d’insecte adulte de son sarcophage nourricier. Quel berceau bizarre, quand même !

Les fourmis écoutaient cette histoire en se demandant s’il y avait une justice contre les méchants…

Zakou leur fit remarquer que cette guêpe aphéninidée pouvait aussi se retrouver elle-même parasitée ! Mangée de l’intérieur par un hyperparasite : les guêpes pirates “ichneumons”.

Ces pirates choisissent de pondre leurs œufs exclusivement dans les larves de pucerons déjà infectées par des guêpes aphéninidées…

Et le nouvel arrivant va dévorer son hôte, et éclore à sa place dans la larve du puceron. Tel est pris qui croyait prendre !

« Dis donc Zakou, tes histoires de parasites ne sont pas très rassurantes.  On préfère celle du jour où la fourmilière fut épargnée.»
Il faut que je vous raconte aussi celle là. Le jour où le petit écureuil est devenu un ami bien connu des fourmis rouges, qui ne l’ont jamais piqué depuis.

 

voir ensuite
fleur S422 la coccinelle qui ne craint pas grand chose
fleur S423 échange de fardeaux en douce entre deux ouvrières
fleur S424 la reine avec son secret de la terre et de l’humus
fleur S425 une larve d’Azurée introduite dans la fourmilière
fleur S426 le cri des plantes attaquées par des parasites

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