fleur S4✿15

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(voir avant la fleur S4✿14 : Rencontre avec sa Majesté)

bouquet des abeilles / S4✿10

✔ fleur S4✿15 : Découvertes de l’organisation de cette cité

“Maintenant, reprit Zakou, si tu as le droit de rester avec moi petite Avette, cela m’intéresserait de savoir comment vous faites pour trouver les plus belles fleurs, puisque vous n’avez ni plans ni cartes. Pour désigner aux autres l’endroit où vous trouvez de quoi butiner, comment faites-vous donc ? ”

“Cela commence dès la fin de l’hiver, expliqua l’avette, quand la température s’élève au dessus de 8°, nous sortons à la recherche des premières fleurs dans les environs. Les abeilles butineuses vont indiquer ce qu’elles ont repéré par des danses, que je pourrais d’ailleurs t’apprendre.

Pour indiquer l’endroit trouvé, on a besoin de deux choses : la direction et la distance. C’est l’orientation par rapport au soleil va indiquer la direction ; et puis on précisera la distance selon la durée et la fréquence de nos danses.

Si ces fleurs sont proches (disons à moins d’une centaine de mètres), une danse circulaire sur les rayons suffira.

Mais si les fleurs sont situées plus loin, nous dessinerons en l’air une danse en forme de 8.

En plus, la vitesse de nos frétillements donnera des indications sur l’abondance du butin repéré.

Donc quand notre trajet frétillant est orienté vers le haut, cela signifie que la direction est vers celle du soleil, et quand c’est vers le bas : en direction opposée au soleil. Tu as compris ?

Enfin, pour préciser l’azimut, l’angle d’inclinaison par rapport à la verticale de notre ballet indique en même temps l’angle de la direction à suivre, par rapport au soleil.”

Zakou était admiratif de tant d’ingéniosité, et il continua à poser des questions. “Mais le soleil continue sa course, et bouge avec le temps qui passe. Et puis il y a bien des nuages qui le masquent certains jours. Comment faites-vous pour être aussi précises ?”

“L’heure c’est l’heure… Les abeilles savent compenser la course du soleil selon le temps écoulé ; nous avons comme une horloge interne qui nous le précise.

Et on sait deviner la position du soleil même sous un épais brouillard, grâce à la polarisation des rayons de lumière.”

“D’après ce qu’on m’a dit, il paraît que ce sont les faux bourdons (avec leurs gros yeux) qu’on a vus autour de la Reine qui vous ont appris tout cela. Est-ce vrai ?” demanda Zakou se rappelant le bruit que faisaient ces mâles en accompagnant la reine tout à l’heure.

“N’importe quoi, ce n’est pas du tout eux qui nous ont appris cela ! “à ce qu’il parait” n’est pas une source fiable. Il ne faut pas suivre n’importe quelle rumeur.

Les faux bourdons sont des abeilles garçons qui n’ont jamais connu leur père. Ils n’ont ni trompe à nectar, ni brosses aux pattes, ni corbeille à pollen, et ne sont même pas capables de se nourrir tout seuls.

Ce sont nos ouvrières qui ont dû leur donner du miel à manger, quand ils étaient dans leurs alvéoles un peu plus grandes.

La plupart de ces mâles vont disparaître maintenant. Quand aux faux bourdons qui ne sont pas morts au retour du vol nuptial, ils pourront essayer d’être accueillis dans d’autres ruches ; mais de toute façon, ils sont condamnés à disparaître avant la fin de l’été.

Ils seront impitoyablement chassés quand les colonies n’auront plus besoin d’eux. Ils n’ont même pas d’aiguillon pour se défendre.”

“Eh bien dis donc, ce n’est pas toujours drôle d’être un garçon à Mellifera ! Ce ne serait pas un peu la dictature chez vous, avec votre Reine toute puissante ? Son succès est-il votre bonheur ? ”

“Ne va pas croire que la Reine ne fait pas ce qu’elle veut. Tu parles comme certaines guêpes ! Une dictature peut aussi bien surgir de la majorité. La tyrannie de la multitude est une tyrannie multipliée.

Hergoma travaille tout le temps à la ponte, et a aussi besoin de notre aide. Le succès, c’est d’avoir ce qu’on désirait, mais le bonheur c’est d’aimer ce qu’on a. Pourquoi veux-tu qu’on ne soit pas heureuses comme cela, depuis le temps que les abeilles existent ?

On n’a le droit de changer que pour du mieux. Chacun se donne pour le bien commun, et tout le monde en profite. C’est encore pour l’abeille qu’elle travaille quand l’abeille travaille pour la ruche…

« Et vous êtes heureuses comme cela ? » demanda l’écureuil

La petite Avette repris. « La Paix est la tranquillité de l’ordre. Nous formons ensemble “Mellifera”, qui est comme un grand corps dont chacun est membre. Abeilles sans reine, ruche perdue !

Le secret de notre bonheur est simple : « ne rien faire d’extraordinaire, mais faire extraordinairement bien toute chose ». Dans le don se trouve l’amour. “Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même”.

Zakou ne disait plus rien, mais il pensait que décidément la sagesse du petit peuple d’Assur était bien proche des secrets du Royaume. Il essayait de retenir toutes ces maximes pour en reparler avec Philothée la prochaine fois qu’il la verrait.

L’Avette continuait ses explications : « L’essaim de Mellifera est un peu comme un “animal social” à température constante (34°). L’essaim naît, grandit, se reproduit et meurt de maladie ou de vieillesse. Nous, les abeilles nous sommes un peu comme des “cellules” de ce grand corps, échangeant notre nourriture et travaillant au bien commun (qui est aussi le nôtre) !

Notre vie est brève : quand elle naît au printemps, l’abeille ouvrière meurt de vieillesse environ 3 semaines après sa sortie comme butineuse. Sa vie n’aura duré qu’un ou deux mois.

Quand à celles qui sont nées en été, elles peuvent vivre 6 à 7 mois. Après avoir passé l’automne et l’hiver à l’abri dans la ruche -nourries grâce aux réserves de miel- ce sont elles qui élèveront les nouvelles avettes du printemps.”

“Mais, repris Zakou, au bout de quelques années, il faut bien qu’elle meure aussi, votre reine” !

“Oui, bien-sûr ; mais dans le couvain, nourri à la gelée royale, une autre reine va sortir et prendre le relais.”

“Puisque vous avez toutes l’air si fortes en mathématiques, et bien moi je vais vous poser une devinette, dit Zakou. La reine d’une ruche avait 10 mille ouvrières. Toutes les abeilles meurent, sauf mille. Combien en reste-il ?”

Je ne sais pas comment vous répondriez -j’en vois déjà qui se mettent à calculer- mais la petite Avette ne se laissa pas impressionner : et répliqua avec un sourire “mille, évidemment !”
voir ensuite
fleur S416 et on lui raconte la révolte de l’abeille coucou Psithyrus
fleur S417 comment vivent les guêpes.

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