fleur S4✿16

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(voir avant la fleur S4✿15 : Découvertes de l’organisation de cette cité)

bouquet des abeilles / S4✿10

✔ fleur S4✿16 : La Révolte de Psithyrus

L’écureuil commençait à admirer vraiment cette petite société de Mellifera, qui était comme une famille heureuse.

“On dirait que chacun y vit content, en harmonie. Dommage que tout le monde dans la forêt ne puisse pas en dire autant” ajouta Zakou en soupirant.

“En effet, reprit l’Avette, nous avons choisi d’obéir sans réplique, mais il n’en a pas toujours été ainsi pour chacun.

On raconte qu’il y a des lunes et des lunes de cela, “au temps d’avant les grandes eaux”, il y a eu la révolte de Psithyrus chez nos cousins les bourdons. Mais c’est une longue histoire, et cela s’est passé il y a fort longtemps. Je ne sais pas si elle t’intéressera…”

“Oh, si ! Raconte moi encore cette histoire, s’il te plaît ; on a toujours le temps quand on le prend” dit Zakou avec son petit air suppliant.

“Eh bien, c’était justement à l’époque d’un changement de Reine. Personne ici-bas ne peut mener la ruche éternellement !

Il y avait autrefois une reine très vieille et très sage. Elle était si vieille qu’elle se sentait fatiguée de régner. Mais elle était si sage qu’elle ne voulait pas laisser son royaume à n’importe qui…

Or dans la colonie depuis quelque temps, il y avait aussi une certaine Psithyrus qui n’était jamais contente. Ne supportant pas de faire comme tout le monde, et ne travaillant jamais. Toujours à se plaindre, Psithyrus excitait les autres en leur montrant ce qui n’allait pas, les poussant à la révolte.

“Je vous plains, disait-elle, vous les pauvres ouvrières qui trimez sans répit, travailleuses dont la vie est si courte ! n’attendez pas vos derniers jours pour “sortir” et profiter de la belle vie en plein air et de la liberté des butineuses !”

Et Psithyrus disait aux butineuses qui revenaient lourdement chargées à la ruche : “Regardez-moi sur vos pattes ces grosses corbeilles remplies de pollen qui gênent votre vol de retour. L’envie d’y trop mettre rompt le sac…Vos explorations seraient plus vastes si vous n’encombriez pas votre vol avec toute cette récolte” etc…

Psithyrus en voulait particulièrement à une Avette qui était toujours gaie, répondant joyeusement à tout avec le sourire, en répétant à chaque fois “heureusement, merci…” Elle semblait n’avoir toujours que ces deux mots à la bouche : “heureusement, merci…”.

“Dommage… il commence à pleuvoir ! Regarde le temps est moche ” lui disait Psithyrus.

“Heureusement, merci, que les arbres ont des feuilles sous lesquelles nous pouvons nous abriter” répondait l’avette toujours gaie.

L’hiver venu, Psithyrus pensa que la neige allait forcément la décourager un peu.

« Heureusement, merci, que nous avons de bonnes réserves de miel à l’abri dans la ruche » répondait l’Avette toujours joyeuse.

Au printemps, Psithyrus essaya encore de la décourager en lui faisant remarquer qu’il faudrait visiter au moins 1.000 à 1.500 fleurs de trèfle, à cause de son tout petit jabot. En effet une abeille ne peut prendre que 50 milligrammes de nectar : “Il y a encore tellement de fleurs à visiter, c’est épuisant.. On n’y arrivera jamais, n’est-ce pas !”

« Heureusement, merci, qu’on a tout ce travail, en fin de compte cela donnera plus de miel.» A chaque fois l’abeille qui répondait “heureusement, merci” savait rester toujours joyeuse et gaie. Et c’est ainsi qu’elle était heureuse…

Un jour Psithyrus crut qu’elle allait enfin la prendre en défaut. Ce fut quand l’avette se prit une fiente d’oiseau tombant sur sa tête… Beurk ! Que pouvait-elle répondre cette fois-ci ? Allait-on la voir bouder, se mettre en colère ou grogner ?

« Heureusement, merci, que les vaches n’ont pas d’ailes ! » répondit l’Avette toujours souriante…

Mais Psithyrus poursuivait un plan toujours plus machiavélique. Elle distillait auprès de chacune le fiel de la jalousie et du soupçon, passant de l’une à l’autre avec sa démagogie de “belle parleuse”.

Aux nourrices, Psithyrus déclarait ” Et le droit de goûter pour tous à la gelée royale… Pourquoi réserver ce privilège à certaines abeilles ? C’est trop injuste ! Y avez-vous eu droit ? Ne vous laissez donc pas faire…”

Aux ouvrières qui maçonnaient leur alvéoles de cire, toujours pareilles : “Pourquoi tenir ainsi à ces vielles traditions rétrogrades de constructions hexagonales ? Il faut vivre avec son temps, et oser faire du neuf. Essayez donc de construire des alvéoles artistiques plus modernes, aux formes variables, sans faire forcément à chaque fois ces 6 angles rugueux ! La nouveauté c’est toujours mieux.”

Quand aux soldats qui gardaient l’entrée, Psithyrus murmurait dans leur dos : “Vous avez entendu comme elles s’adressent aux autres ? Comment ces sentinelles osent-elles parler sur ce ton à de pauvres petites avettes qui se sont perdues et trompées de ruches ? Il faut apprendre à être plus hospitalier et ouvert à tous. Fiez-vous au visiteur, et il se fiera à vous…”

Drôle de visiteur en effet que cette Psithyrus.. Surnommée l'”abeille coucou”, elle n’avait pas de corbeille à pollen aux pattes, mais elle était comme cuirassée, insensible à toutes piqûres.

En fait pour tout vous dire, Psithyrus s’était introduite de force, et puis cachée dans une petite colonie de bourdons où -imprégnée de l’odeur- elle avait fini par tout ravager, dévorant les œufs de la reine et pondant les siens à la place…

Son mauvais exemple était devenu contagieux, même auprès de nombreuses abeilles. Elle avait peu à peu découragé les ouvrières, les incitant à suivre leurs caprices et rejeter la loi du bien commun. Et c’est ainsi que certaines décidèrent d’abandonner, pour partir vivre à l’aventure, en solitaires.

“Et la petite Avette toujours joyeuse, est-ce qu’elle les a suivies dans cette révolte ?” demanda l’écureuil.

“Oh non ! Elle était heureuse, et resta fidèle, comme d’ailleurs les deux tiers de la ruche. Ce qui n’empêcha pas les révoltées de se proclamer “majoritaires”, car beaucoup s’était abstenues.

Les abeilles fidèles à leur ruche avaient compris que “la force de l’essaim c’est l’avette, et la force de l’avette c’est l’essaim”, comme lorsqu’elles se tenaient toutes ensembles le jour où la colonie essaima.

Et les butineuses continuèrent courageusement à rapporter du pollen pour toutes celles qui restaient, avec leur jeunes larves.

Les plus âgées d’ailleurs s’épuisèrent à la tâche. Certaines ne revinrent jamais, mortes en service après 800 km. de butinage. Mais il vaut mieux mourir dans les rangs de l’essaim, que sans Reine et toute seule.

voir ensuite
fleur S417 comment vivent les guêpes.

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