Après les fake news factuelles, continuons sur les stratagèmes de la désinformation.

n°13 : obsessions du complotisme.

 

Ixchel Delaporte affirme dès les premières pages de son roman noir (p.20) que les Pères de Riaumont “ont le bras long… des soutiens très haut placés“. Ses témoins lui parlent  (p.19) de “ramifications cachées” et lui promettent des “informations délicates“. Relevons dans son mauvais travail les principales manifestations de cette fâcheuse tendance complotiste. Nous allons découvrir “une société religieuse méconnue” ,” ses codes et ses lois propres” (p.20). Dan Brown peut ranger son Da Vinci Code ; Ixchel Delaporte fait mieux. On croyait savoir que les théories du complot émanent en en général d’idéologues réactionnaires ou conservateurs, qui expliquent leur propre déclin par la conjuration infâme de forces occultes. Ixchel Delaporte invente le complotisme libertaire, elle se fait l’archange du conspirationnisme de progrès.

Pour elle, Riaumont est et doit être, par principe, une “enclave à l’écart de tout” (p.204) un “établissement coupé du monde” (p.166), un “huis clos riaumontais qui se barricade toujours un peu plus” (p. 67), un “univers en vase clos” (p.23), une “secte religieuse d’extrême droite” (p.137), un “internat religieux intégriste” où “les enfants, que l’on sépare de leurs parents, sont malheureux et maltraités” (p.139).

Quand elle découvre dans les archives de la presse locale un article qui fait état de la présence consensuelle de beaucoup d’acteurs de la vie sociale lors d’une réception festive au Village d’Enfants peu de temps après sa fondation ; plutôt que de constater une réalité et de renoncer à ses préjugés, elle choisit de s’indigner :

Dès 1963, à peine trois ans après l’installation à Riaumont, le sous-préfet de Lens se fend d’une visite officielle au Foyer. … L’article (de la Voix du Nord) détaille ensuite la grande réussite de cette visite grâce à la présence d’un lot de personnalités de prestige et de pouvoir : les juges pour enfants Gratadour et Tabardel, l’ensemble des dirigeants des Houillères du Nord, les adjoints au maire, le directeur de la Croix-Rouge, le directeur de la DDASS, la présidente du Comité de vigilance de l’enfance malheureuse, le curé doyen et le pasteur de Liévin, le principal du lycée, le directeur de l’école primaire Paul-Bert, le président du Lion’s Club, le président de la Caisse d’Épargne, et même le commissaire de police et le capitaine de gendarmerie.

Tous complices d’un système opaque qui soumettra des centaines d’enfants à un régime disciplinaire brutal.

Et on découvre en tremblant que la conjuration des forces maléfiques au service de la maltraitance supposée de Riaumont est… quasi universelle. Car les participants de cette réunion autour du Sous-Préfet font cause commune avec les “riches entrepreneurs” (p.20), “les notables” dont “Mme Schaffner, l’épouse du maire socialiste de Lens et médecin des mines” (p.37) et “toutes les familles aristocrates de Lens, Arras et Lille” (p.230-2).

Mais l’influence du Père Revet ne se cantonne pas au Pas de Calais ; il fréquente “les hauts gradés, les monseigneurs” (p.137). Tout le monde craint les pouvoirs du père Revet et ses relations. C’est un fait qu’il a beaucoup de relations avec les sphères d’extrême droite (p.207)… ; ” tout un réseau d’influence puissant dans les milieux d’extrême droite, catholique traditionaliste, avec des soutiens ayant des hauts postes pour obtenir des financements et des agréments.[1]On a vu qu’en termes de subventions, Madame Delaporte, dans ses recherches, n’a été capable de retrouver que 200.000 nouveaux francs (p.38). En termes d’agrément, le Village de Riaumont … Continue reading”(p.95). “Riaumont entretient encore et toujours des liens étroits avec Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national. Une relation qui a commencé dès les années 1960 (…) dans le bain des réseaux poujadistes et de l’Action française. Tout se tient” (p. 169). Tout se tient… tout s’emmêle dans ce discours violemment conspirationniste qui a décidément renoncé à la précision… et à la vraisemblance.

 

Seule contre tous, Ixchel Delaporte frappe à toutes les portes avec une rage pathétique pour obtenir aide et appui dans son combat contre le “mouvement sectaire” (p.116) riaumontois. Las ! Partout les portes se ferment prudemment devant sa furie vengeresse : le complot riaumontois bénéficie d’appuis universels… à moins que l’univers entier ne finisse par se méfier des ardeurs d’Ixchel Delaporte  :

“Que conclure de ce vaste dédale d’une totale opacité ? Que chaque maillon de la chaîne des institutions religieuses a choisi de privilégier l’Institut de la Sainte-Croix de Riaumont… Que ce soit l’abbaye de Fontgombault… le diocèse d’Arras… ou enfin la feue commission Ecclesia Dei… et le Vatican, tous ont participé à leur niveau à faire perdurer les crimes perpétrés dans ce Village jusqu’en 2019.”

Ixchel Delaporte, p.357.

De la part de l’Église catholique, systémiquement rétrograde aux yeux de notre Grande Inquisitrice, passe encore ! Mais écoutons-là se plaindre du vide sanitaire qui se fait devant elle dans le monde laïc :

Mais ils ne sont pas les seuls… le conseil départemental du Nord-Pas-de-Calais, les services de l’ex-DDASS, l’inspection académique de Lille ou encore le ministère de la Justice, tous sans exception bottent en touche… le rectorat de Lille… le ministère de la Justice… le ministère de l’Éducation nationale…  Aucune réponse ne m’a été apportée… De toutes parts, le silence devient assourdissant.”

p.358-360.

Ixchel Delaporte ne semble pas se rendre compte que ce sont ses hurlements qui assourdissent les gens sensés ; lesquels voudraient bien qu’elle se taise enfin. Une réponse de bon sens lui a pourtant été apportée par Mgr José Rodriguez Carballo, archevêque secrétaire de la Congrégation des Instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, la priant courtoisement : “de bien vouloir transmettre dans les meilleurs délais ces témoignages tant à notre Dicastère qu’aux autorités civiles et religieuses compétentes pour intervenir selon la loi.”

« Et puis c’est tout. »,

écrit-elle, dépitée (p. 360)…

Car bien entendu, ce recours à la Loi et au Droit ne lui suffit pas…

Alors, y a-t-il complot ? On sait qu’un complot peut en cacher un autre. Quatre-vingt mois après la mise en examen six religieux, le licenciement de cinq salariés et la fermeture brutale de l’école technique, les “autorités compétentes” n’ont toujours pas rendu de verdict sur aucune entorse à la loi républicaine qui aurait été commise au Village d’enfants de Riaumont.

Tout soupçon de complot ne sera vraiment dissipé que lorsqu’une enquête indépendante aura fait la lumière sur les raisons réelles, les procédés douteux et les délais exorbitants de ce procès qui n’en finit pas.


autres  stratagèmes de la désinformation :

• intox n°11 anachronisme  : emploi fallacieux du terme “sévices”.

• intox n°12 psychologie de bazar : le Syndrome de Stockholm.

• intox n°14 “Libération de la parole” par prise de conscience politique.

• intox n°15 :  manipulation du principal témoin

• intox n°16 : [à suivre]

• intox n°17

 

Trop de mensonges et de 𝐅𝐚𝐤𝐞 𝐍𝐞𝐰𝐬 !..

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References

References
1 On a vu qu’en termes de subventions, Madame Delaporte, dans ses recherches, n’a été capable de retrouver que 200.000 nouveaux francs (p.38). En termes d’agrément, le Village de Riaumont n’obtiendra jamais d’agrément définitif mais vivra de 1957 à 1982 sous le régime d’agréments provisoires abusivement renouvelés par un État qui refusait d’assumer ses responsabilités sociales vis-à-vis des employés de la structure. Cette politique sera in fine désavouée par la Justice qui, au terme d’un procès de 16 années, finira en 1998 par condamner le Préfet du Pas-de-Calais à rembourser à Riaumont les indemnités de licenciement des personnels mis à pied après la cabale médiatique de 1981 et le retrait définitif de l’agrément. Ces aléas aussi fâcheux qu’interminables, que Ixchel Delaporte n’ignore pas (cf.p. 222), ne sont pas l’indice d’un entregent particulièrement efficace.