Le Père Doncœur explique ainsi la place du catholicisme dans le scoutisme : “Il y a compénétration analogue à celle de l’âme et du corps. Intrinsèquement le catholicisme compose avec le scoutisme, au sens thomiste il l’informe. À la façon de l’âme, il y a compénétration réciproque, totale animation.” (Exposé aux Journées nationales de la route à Paris en décembre 1931, Le chef, mars 1932). Et, inversement, confirme le Père Forestier, le scoutisme “impose à cette “forme” un mode d’être bien réel” : “Il y a donc compénétration” (“La spiritualité du scoutisme”, Revue des jeunes, p. 6).
Dès les origines, le Père Sevin parlait aussi du corps et de l’âme du scoutisme pour en exalter l’esprit. La rencontre du corps et de l’âme peut même offrir une spiritualité propre, pensait-il avec le chanoine Cornette.
[…] Et si toute spiritualité catholique est une manière concrète de pratiquer la loi de l’Évangile, le scoutisme est bien aussi une spiritualité. Dans un mémoire d’histoire contemporaine (Université Paris XII, mai 1990) intitulé La spiritualité scoute (1920-1940) , Christophe Falala en a fait une approche historique remarquable en décelant notamment l’appréhension (parfois différente) qu’en ont eu les grands aumôniers du scoutisme. Si nuancés que soient leurs divers points de vue, ils se rendent presque tous au même objet d’évidence : il existe une ” certaine sainteté scoute “, c’est-à-dire une perfection de l’esprit scout, qu’on peut appeler spiritualité et qui peut s’incarner aussi bien dans une famille religieuse spécifique selon le désir du Père Sevin (comme la Sainte-Croix de Jérusalem ou la Sainte-Croix de Riaumont) que dans des personnes exemplaires (comme Guy de Larigaudie ou Marcel Callo).
” Dans la communion des saints, lit-on dans le Catéchisme de l’Église catholique, se sont développées tout au long de l’histoire des Églises diverses spiritualités . Le charisme personnel d’un témoin de l’amour de Dieu pour les hommes a pu être transmis, tel “l’esprit” d’Elie à Elisée et à Jean-Baptiste, pour que des disciples aient part à cet esprit. Une spiritualité est aussi au confluent d’autres courants, liturgiques et théologiques, et témoigne de l’inculturation de la foi dans un milieu humain et son histoire. Les spiritualités chrétiennes participent à la tradition vivante de la prière et sont des guides indispensables pour les fidèles. Elles réfractent, dans leur riche diversité, la pure et unique lumière de l’Esprit Saint.”
L’inculturation de la foi dans le milieu scout a donné en effet une spiritualité propre, qui emprunte du reste à plusieurs témoins et traditions religieuses. ” On peut parler de la spiritualité scoute comme d’une sagesse humaine vivifiée par la grâce, au contact aussi d’autres sagesses et d’autres écoles, en symbiose ” , écrit le P. de Manaranche, qui parle de la ” fusion du sacrement, du témoin et de la sagesse, trois réalités profondément imbriquées ” (Jacques Sevin, une identité , Le Sarment Fayard, p.218-220). On peut ainsi distinguer trois voies d’accès à la spiritualité scoute. Trois voies complémentaires et commutatives inspirées par les trois vertus surnaturelles (la foi, l’espérance et la charité) :
- La voie d’enfance ou d’abandon (inspirée surtout de sainte Thérèse de Lisieux) avec ses vertus préférées : obéissance, joie, franchise, simplicité, pureté…
- La voie de pauvreté ou de dépouillement (inspirée surtout de saint François d’Assise et de saint Benoît) avec ses vertus corollaires : maîtrise de soi, détachement, disponibilité, paix…
- La voie missionnaire ou chevaleresque (inspirée surtout de saint Ignace de Loyola et des ordres religieux de chevalerie) avec ses vertus principales : solidarité, dévouement, courage, esprit de sacrifice…