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(voir avant la fleur T1✿13 : fausses excuses)
bouquet de l’hirondelle / T1✿10
✔ fleur T1✿14 : Automne autour du lierre
C’est ainsi que l’hirondelle blanche manqua le début de la migration et rata le départ. Restant toute seule sur place, sans ses parents mais avec le coucou.
Au début, tout se passa bien. Le soleil était encore haut dans le ciel et les insectes nombreux pour se nourrir. Mais ils finirent par disparaître après les premières gelées.
« Ce n’est qu’un détail » se disait-elle en haussant les épaules, pour se consoler. Madame-je-veux regretta simplement le temps où elle avait plus d’admiratrices.
Mais là où ce lui fut un coup dur, c’est quand un beau matin le Coucou lui aussi disparut… l’abandonnant toute seule ! « Ce n’est qu’un détail ! » essayât-elle de dire encore pour se consoler.
Pourtant le Coucou avait laissé lui aussi partir ses propres parents bien avant lui. D’ailleurs ses enfants n’avaient jamais fait le chemin vers l’Afrique. Comment savent-ils y aller ? Mais cela ne l’empêcha pas de partir tout seul pour ce voyage de 9.000 km vers l’inconnu…
La petite hirondelle blanche se retrouvait bien seule maintenant. « Ce n’est qu’un détail ! » disait-elle en soupirant.
Mais les jours se mirent à rétrécir, et les fleurs disparurent. Madame-je-veux contempla les belles couleurs des arbres à l’automne, un peu mélancolique. En pensant à sa famille qui était maintenant bien loin, et devait peut-être même la croire morte. Les reverrait-elle un jour ?
En regardant les feuilles tomber, elle comprit alors enfin la solution de l’énigme du Coucou « J’ai vu danser les feuilles sur les branches dans le vent, je les ai bien vues mourir. Et pourtant j’ai vu encore danser ces feuilles mortes au ras du sol, emportées dans les tourbillons du vent. »
Mais la nourriture se faisait de plus en plus rare. En octobre heureusement, il y eut comme un miracle : une plante étrange attira insectes et oiseaux. Une plante nourricière qui n’était ni fleur dans l’herbe, ni fleurs d’un arbre… C’était une liane grimpante : « le lierre qui progresse en montant » !
Quelle force que ce lierre qui grimpe avec persévérance ! Une force qui gagne au rythme d’une lenteur puissante et douce à la fois..
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Sur le grand lierre apparurent des ombelles en fleurs. Quelle drôle de saison pour fleurir ! Il attirait alors tout un les bourdonnements d’abeilles, rassemblées pour un dernier festin de nectar. Et à la fin de l’hiver Merles et Grives y gazouilleront encore, se régalant de la pulpe de ses baies bleues.
Il y avait plein d’animaux autour de cette masse verte du grand lierre. Sous ses feuilles un papillon jaune citron dormait, ailes repliées, bien sagement.
Et puis, ayant remarqué le visage triste de cette hirondelle toute seule, une avette se détacha du groupe des abeilles bourdonnantes. « Bonjour, l’hirondelle, tu as une belle robe toute propre. Mais pourquoi n’es-tu pas partie comme les autres oiseaux migrateurs ? » demanda-t-elle.
« C’est que si je suis unique, répondit l’hirondelle blanche, unique et bien seule aussi. Mais ce n’est qu’un détail. Cette vie de famille finissait par me peser. Je voulais passer un hiver bien tranquille toute seule. Pouvoir en faire enfin à ma guise. Être libre.»
« Le lierre meurt là où il s’attache, fit remarquer l’avette. Pour progresser il s’accroche solidement à son tuteur, avec de petites racines crampons. A propos, connais-tu la devise du lierre ? »
Madame-je-veux secoua la tête. Les plantes et les arbres ne parlent pas aux animaux de la forêt. Elle avait donc conclu depuis longtemps que les végétaux ne communiquaient pas et n’avaient rien à dire. Ce en quoi elle avait bien tort !
« Et bien moi je vais te dire la devise du lierre, repris la petite abeille : ” je meurs si je m’arrache !” C’est un beau symbole de fidélité attachante, n’est-ce pas ? Et puis il reste toujours vert, quand les autres ont perdu leurs feuilles. Une fidélité immortelle… »
L’hirondelle ne disait plus rien, sentant surtout venir le froid. Ne prêtant guère attention aux sages remarques de l’avette.
« Regarde un peu ce que nous dit cette plante : aussi forte que semble la liane, c’est toujours par l’endroit le plus faible qu’elle cassera.
Observe maintenant la forme de ses feuilles : en montant elles se simplifient et perdent leurs lobes. En bas, ses feuilles à trois lobes rampent et n’ont pas besoin de beaucoup de lumière. Mais si tu veux monter comme elles, il faut persévérer et se simplifier pour se faire une place jusqu’à la lumière.
Remarque aussi que les fleurs du lierre ne poussent que sur les rameaux dressés vers le soleil. Alors il grimpe avec persévérance, comme ce liseron qui répétait : ” je continuerai jusqu’à ce que je parvienne à atteindre le côté droit du tronc !” et comme l’arbre est rond…
« Moi j’ai surtout froid » reprit la petite hirondelle en essayant de gonfler ses plumes pour s’isoler un peu mieux en mettant une couche d’air.
« Ah ! Je vois ce qui te manque, repris l’avette. Devine de qui je veux parler : si on s’approche trop de lui, il peut donner des coups, et pourtant il est souvent le bienvenu. Tu comprends de qui il s’agit ? Tes parents d’ailleurs doivent en avoir, là où ils sont…
Et comme on ne peut changer la direction du soleil, les tournesols ont appris à orienter leurs fleurs ! Si toi tu as froid, et que tu veux connaître la meilleure exposition à ses rayons bienfaisants, observe donc de quel côté se trouvent les rameaux fleuris du lierre…
Fais attention, petite hirondelle. Je te le dis : tu n’es pas encore au bout de tes peines, l’hiver arrive avec ses drôles de surprises ; Sache que quand tu pourras creuser un trou dans l’eau avec ton bec, alors tu ne trouveras plus ici de nourriture ! »
« Quand je pourrais faire un trou dans l’eau ? se répéta l’hirondelle blanche… C’est pas demain la veille ! Voilà qui est bien impossible… Même un pic vert aurait beau creuser avec son bec dans l’étang, jamais il ne pourra y avoir de trou dans l’eau ! Cette petite avette dit n’importe quoi ; elle ferait mieux de retourner se coucher à la ruche. »
voir ensuite
✔ fleur T1✿15 avant un hiver gelé et neigeux
✔ fleur T1✿16 dont les flocons de neige finiront même par la faire tomber de sa branche