fleur L8✿22

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(voir avant la fleur L8✿21 : Terreurs nocturnes)

bouquet des chauves-souris / L8✿20

✔ fleur L8✿22 : la chute de Peccatrix

 

« Mais qu’est-ce qui t’arrive mon pauvre petit Zakou ? Tu es essoufflé et tu trembles comme s’il était arrivé un malheur. Aurais-tu fait une mauvaise rencontre cette nuit ? »

« Oh, oui, j’ai vu des monstres volants comme tu ne peux même pas imaginer. Leur visage était si horrible que je n’arriverai plus à dormir. Rassure moi, c’était un cauchemar ?»

« Non, mais ce n’est sans doute pas grand-chose. Juste des Oreillards qui, comme des chauves-souris, passent l’hiver à l’abri dans des grottes. Tu devrais apprendre à mieux connaître tous ces animaux, et ne pas les juger aux premières impressions. »

« Aller, repose-toi maintenant. Et pour t’aider à dormir tranquillement, je vais te raconter une histoire : connais-tu la légende des souris volantes ? »

« C’est vrai cette histoire ? Comment des souris peuvent-elles voler ?» demanda l’écureuil intéressé.

« C’est du moins ce que dit leur légende… C’était il y a bien longtemps, il y a des lunes et des lunes de cela (avant que ne tombent les grandes eaux).

On raconte qu’à l’origine vivait un petit mammifère, comme toi, appelé Peccatrix… C’était une sorte de petite souris, mais elle avait aussi deux membranes collées aux pattes qui la faisait rêver : avec cela je vais pouvoir voler !

Peccatrix espérait bien, comme toi, parvenir ainsi à atteindre la ligne d’horizon. Là où, disait-on, se trouvait la porte franche du mystérieux royaume.

Seulement elle hésitait, comme toi, entre le bien et le mal. Se laissant aller souvent à de petits mensonges pour essayer de gagner sur tous les tableaux. Et c’est comme cela qu’elle a fini par tout perdre. La prudence est vertueuse, mais la médiocrité menteuse…

Pour faire pitié aux oiseaux, la chauve- souris disait : “Je ne suis pas un oiseau : je n’ai aucune plume et suis comme une souris tout nue. Nez en moins… je serais moins laide. Néanmoins… je ne suis pas si moche.”

En ce temps là les animaux vivaient en paix et s’entraidaient volontiers. Alors avettes et hirondelles unirent leurs efforts pour permettre à Peccatrix de réaliser son souhait le plus cher : s’envoler dans les airs.

Une hirondelle accepta ainsi de la transporter agrippée sur son dos. Ce fut un baptême de l’air extraordinaire !

Peccatrix -qui tenait absolument à recommencer- la supplia de lui offrir quelques petites plumes. Elle alla ensuite demander aux abeilles un peu de leur miel pour se les coller au corps.

Drôle de chauve souris qui disait maintenant : “Je ne suis pas une souris, je n’ai pas de poils et je vole comme un oiseau”.

Et on raconte que, ni chauve, ni souris, Peccatrix volait ainsi fièrement en quête de noctuelles et de ces nombreux papillons de nuits qu’elle mangeait.

Mais devenue orgueilleuse, elle se laissa vite influencer par Azazel qui la persuada de se contempler de plus en plus près dans le miroir de l’eau où elle buvait.

Car Peccatrix aimait voir son visage à côté de la lune, apparaissant comme un reflet sur le manteau du lac. En voletant y boire la nuit, elle s’y mirait et s’admirait.

Et Azazel le serpent lui dit « Regarde ce reflet : c’est toi, comme tu es belle ! La lune est là, à tes pieds ; elle est à ta portée : il suffit de t’y plonger pour l’atteindre… »

Elle voulut rejoindre la lune et y plongea… le sucre fondit et toute ses petites plumes se décollèrent !

« Et alors, comment cela s’est terminé ?» demanda Zakou, un brin d’inquiétude dans la voix.

« Ce fut une catastrophe, tu l’imagines bien.  Quand Peccatrix plongea dans le reflet de lune, les eaux sombres du lac mouillèrent ses plumes et firent fondre le sucre du miel. Elle faillit s’y noyer et plus jamais ne s’envola.

On dit même que le serpent en profita pour la mordre, et que depuis ce temps là la tristesse fit son entrée dans le peuple de la forêt. »

« Cette légende est bien triste en effet, reprit l’écureuil. Elles me feraient presque pitié maintenant, ces petites souris volantes sans poil, qui cachent la honte de leur nudité dans le manteau de la nuit. Elles volent avec les mains, voient avec leurs oreilles, et dorment la tête en bas !».

« Il faut dire, repris la chouette, qu’elles se dirigent très bien, même dans le noir, grâce à de grandes oreilles qui captent l’écho de petits cris ultra-sons.

C’est peut-être ainsi qu’aveuglée par l’orgueil, Peccatrix a perdu le don originel du sens de l’orientation (par rapport au soleil). Elle doit maintenant ouvrir grand ses oreilles, se dirigeant toujours d’après l’écho autour d’elle.

Les Chauves-souris ne partent pas vers des migrations lointaines comme le peuple du vent, mais se terrent au fond de sombres grottes. Elles semblent bien laides, confondant le haut et le bas, et elles dorment le jour parce que la lumière les aveugle.

Pourtant, il ne faut pas en avoir peur. Si tu pouvais les toucher, tu sentirais comme leur ailes sont douces, et délicates, si fines qu’on peut voir battre leurs veines au travers.

Et on dit que c’est en souvenir du joyeux temps où elles voyageaient sur le dos des hirondelles, que les petites chauves-souris s’accrochent encore de nos jours au dos de leur mère en plein vol. »

Zakou s’endormit en songeant à ces petites chauves-souris qui font toujours leur baptême de l’air sur le dos de leur maman. Finalement cette histoire n’était pas si triste, les chauves souris ne vivaient plus que la nuit, de peur qu’on voit leur face difforme.

Au matin, l’écureuil eut la surprise de voir un papillon qui s’était posé sur lui. C’était Dyna (des airs) qui ne rampait plus sur terre mais voletait en chantant :

“L’air est poussé par le vent,
le vent chasse les nuages,
les nuages cachent le soleil,
le soleil évapore l’eau…
Grimpe et marche la chenille… sans jamais abandonner !”

Vous connaissez la chanson !

« Alors Zakou, la chouette m’a dit que tu as eu un cauchemar cette nuit ? »

« Ne m’en parle pas… Heureusement que Philothée m’a rassuré avec son histoire. Je ne regarderai plus jamais du même œil ces drôles d’animaux. »

« On t’a déjà dit qu’il ne faut pas juger les gens selon leur apparence, reprit le papillon. Rappelle-toi ce que Bof disait de moi, avant le temps de ma chrysalide !

Plein de choses échappent encore à tes yeux. Aurais-tu oublié le secret de l’air ? Et il existe dix fois plus de papillons de nuit que de papillons que tu peux voir le jour… »

Zakou reconnut « Oui, je sais maintenant que les chauves-souris ne se dirigent pas dans le noir avec leurs yeux, mais avec leurs oreilles. En évaluant à toute vitesse l’écho des ultra sons qu’on n’entend même pas ! »

« Hé oui, reprit le papillon. Celui qui n’en croit que ses yeux ne verra pas grand-chose… Mes cousines nocturnes (les noctuelles par exemple) jouent aussi avec ces ultra sons inaudibles. Elles frottent certaines de leurs écailles, ce qui produit des ultra-sons perturbant leur prédateur.

Et puis il n’y a pas que les yeux et les oreilles. Il y a aussi les odeurs qu’on ne voit pas.

Les papillons de nuit ont leurs antennes plumeuses recouvertes de plusieurs dizaines de milliers de récepteurs chimiques d’odorat ultrasensibles.

Le bombyx du chêne, par exemple, est capable de détecter l’odeur d’une femelle jusqu’à 5 kilomètres  ! Tu en rencontreras peut-être, volant contre le vent quand il suit sa piste invisible en resserrant de plus en plus ses zigzags. Choisissant la direction à prendre en fonction des quelques molécules olfactives qui atteignent ses antennes. »

Mais tandis que Dyna parlait, Zakou était distrait par un bourdonnement énervant. C’était le bruit de Zirezaire qui voulait l’inviter à d’autres découvertes. Mais là c’est une autre histoire.

voir ✔ le bouquet de la vache / G9✿10

 

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