Recrutement

Première observation : faut-il privilégier la qualité ou la quantité ?
Un clan débutant doit impérativement insister sur la formation. De lui sortira une élite, au sens littéral, qui pourra alors éventuellement travailler avec le nombre, mais seulement quand un esprit de corps sera créé. Sans première promotion solide, il n’y aura pas d’exemples à offrir.
On ne peut à proprement parler de clan qu’en présence d’au moins deux équipes, celles-ci ne pouvant être sérieusement alimentées que par un potentiel d’environ cinquante éclaireurs.
En principe, tout éclaireur devient vers 17 – 18 ans un apprenti- routier puisque sa formation n’est pas achevée (magie du scoutisme où personne n’est jamais “arrivé” … Le vieux C. P. bardé de badges arrive au clan comme le premier sizainier couvert d’insignes arrive à la troupe) . But à atteindre pour être un scout adulte rayonnant sa foi et son idéal : le Départ-Routier.
S’il est vrai que le candidat à la Route n’a pas à justifier d’être un scout parfait puisqu’elle a précisément pour objet de le perfectionner, il est illusoire de penser être routier s’il n’est pas vraiment scout. Les bons C. P. font l’effort d’observer la Loi et les Principes : ils tiennent à leur scoutisme. Si l’intéressé ne se comporte pas ainsi, soyez à peu près sûrs qu’il arrêtera ses activités après la Troupe. En réalité celle-ci lui pesait déjà, mais le portait malgré lui, grâce à la famille ( ou à cause de…), le respect humain, les circulaires du C. T., le rythme des réunions, les barrettes de C. P….
“Apprenti-Routier” est une terminologie qui nécessite donc de l’humilité et un véritable désir de perfection. “Un scout qui ne marche pas, qui n’agit pas, par le fait même ne peut pas être routier” (Edouard de Macedo) parce qu’en réalité il n’est déjà pas scout…
Il faut être exigeant. L’alternative “soyez ou ne soyez pas” a ceci de terrible qu’elle peut être injuste, mais elle a d’efficace qu’elle nous incite à progresser dans la voie de la perfection. Quand un routier dévie, son erreur rejaillit sur tout le clan, voire sur tout le Mouvement (nombreux sont les exemples où des routiers se sont vus refuser un abri pour cause de mauvais exemple donné par leurs prédécesseurs) .
“Souviens-toi que tout acte d’un routier compte et engage” ( cérémonial du Départ-Routier) .
Il convient de ne pas s’encombrer des inertes, des blasés et des profiteurs, afin de s’occuper au mieux de ceux qui s’accrochent avec leur bonne volonté, “malgré fatigues et contradictions” . Sous peine que les premiers découragent l’ensemble.
En 1929, le commissaire Lhôpital des S. D. F. écrivait : “Il ne faut pas prendre l’allure des plus lents et réduire l’idéal au plus petit commun dénominateur. Il faut voir plus loin et faire de son mieux” .
Que les choses soient donc claires : la Route est dure, non parce qu’elle demande à tous d’être au même niveau, chose inconcevable, mais parce qu’elle demande à chacun de faire pleinement de son mieux.
Pour qu’un clan puisse se développer, il importe qu’il ait une autre raison d’exister que le seul plaisir de ses membres. Ce qui ne sous-entend en aucune manière que les activités Route s’apparentent à la rigueur trappiste ! Il est bon de rappeler le distinguo entre buts et moyens.
L’exemple du routier revêt une grande importance. Les scouts de la Troupe, voire l’entourage du lycée ou de la Faculté, ne manquent jamais l’occasion de le jauger. Il porte alors une lourde responsabilité eu égard au mimétisme qu’il doit engendrer et aux critiques qu’il peut encourir.
Apprécions cette belle et juste remarque du Commissaire Faure : “Il faudra que l’on raconte avec fierté et envie dans les patrouilles les exploits des routiers issus de la troupe. On sera heureux d’appartenir à une unité qui compte ses valeurs. Ainsi les Hautes-Patrouilles désireront naturellement leur entrée au clan, non pour prendre leur retraite ou seulement profiter d’une certaine liberté, mais pour vivre pleinement”.
Et le R. Père Sevin d’ajouter : “Il faut garder la Route rude, âpre et montante. Il n’est pas nécessaire d’avoir le nombre, il faut la valeur”.
Le clan ne doit pas être la poubelle de la troupe, même s’il est vrai que sa méthode peut constituer parfois une thérapie de choc pour certains éléments. Tout membre du Clan manquant gravement l’idéal doit être écarté. Exclure fait mal au cœur, mais une bonté naïve est gage de mauvaise santé pour l’ensemble de l’unité. La sévérité doit y être fraternelle. Le routier apprend à forger sa conscience pour apprécier le moment où il ne remplit plus le minimum exigé de lui.
Pour résumer, il est essentiel d’aider un garçon qui faiblit ou qui a moins de capacités, mais point de s’attarder avec celui qui calcule et parasite les efforts des autres routiers.
On comprend aisément que pour maîtriser ces aspects pédagogiques, il est nécessaire de posséder des chefs et des aumôniers idoines, travaillant en étroite symbiose. La Route exige des chefs d’expérience car ainsi que le disait la premier C. N. R. anglais, Nevill : “Le chef routier doit être un homme connaissant la vie et possédant une grande bienveillance. Il doit avoir surtout une personnalité marquante” .
Il semble alors normal que le chef de Clan soit sensiblement plus âgé que ses routiers, ayant achevé ses études et, si possible, effectué son service militaire.
Le routier requiert, encore plus peut-être qu’à la troupe, l’appui et l’enseignement d’un prêtre. Ce dernier gagnera à être lui-même R-S pour bien connaître les arcanes de la vie du clan. Il suit, autant que faire se peut, les activités sur le terrain.
En 1942, au Puy, le Père Duployé évoqua cette question : “D’excellents prêtres très pieux sont de mauvais aumôniers routiers. L’aumônier doit être décidé à se plier aux exigences de la Route et croire à sa spiritualité toute particulière. Savoir se taire doit être une de ses qualités” .
Nous ajouterons que l’aumônier doit être en bonne forme physique et jeune d’esprit pour que les routiers voient dans le ministre du Christ un autre routier. Quand ceux-ci, marchant durement, se dirigent en toute simplicité vers leur aumônier pour s’épancher, dévoiler leur âme, sans que leur chef les y ait poussés, c’est un signe de la valeur spirituelle du clan.