Voici la Servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon la Parole’ (Lc 1,38). . . C’est le ‘Me- Voici’ de Marie qui permet le ‘Me- Voici’ du Christ à son Père (Hé 10,5-10), c’est-à-dire le ‘Me-Voici’ de la Rédemption… Mais cette Parole de Marie ‘Me-Voici’! a une note spécifique de la plus grande importance: Il est féminin…
C’est qu’en effet le ‘Me-Voici’ est ouverture, accueil, réceptivité, disponibilité, offrande ; il est conformité, il est don de soi, il est abandon: Me- Voici! . Et ce ” Me-Voici ” est en parfaite situation dans la bouche, le cœur et l’âme de la Femme ” bénie entre toutes les femmes “ qu’est la Vierge Marie.
Alors nous pouvons faire un pas de plus et dire: ‘Me- Voici’ est le Nom de l’Épouse, par excellence. ‘Me- Voici’ est le Nom de l’Épouse en tant qu’Epouse, c’est-à-dire dans l’acte même de l’Épousement, dans la fonction nuptiale elle-même qui est don de soi et disponibilité sans réserve. ‘Me- Voici’ est alors le Nom – c’est-à-dire la situation permanente de l’Église-Épouse…
Enfin ce ‘Me- Voici’ s’étend à toute la Création dans sa dépendance ontologique à son Créateur. Rappelons-nous le texte de Baruch (3,34-35) : Les étoiles brillent à leur poste, joyeuses / Les appelle-t-il ? elles répondent: Nous-Voici! / elles brillent avec joie pour leur Auteur…
La féminité est le caractère spécifique de la Création tout entière. Cette féminité est dans la disponibilité absolue et le don à Dieu son Créateur: ” Me Voici! ” (conscient pour l’Eglise – Humanité, inconscient mais réel pour les êtres non-pensants). La féminité que nous révèle ce ‘Me-Voici’ universel en étendue et en profondeur, au cœur même des choses, est finalement la situation de l’Être créé devant son Dieu-Créateur…
Il ne s’agit pas en premier lieu – et ceci est très important – d’une question de sexe ou de sexualité, il s’agit du rapport, de la relation métaphysique entre la Divinité et sa création… La féminité nous dit d’un seul coup l’Unique vocation religieuse de la création tout entière.
La femme – toute femme – est partout le signe sensible de la féminité universelle; elle en est le symbole vivant, permanent, dans l’humanité et le monde… La femme est pour nous le rappel de notre ” condition ” à tous dans le sens de notre situation devant Dieu; elle doit nous rappeler notre vocation à tous, et cette vocation est de soi religieuse, avons-nous dit: ‘Me-voici!’ …
Dès lors, pour une femme – à condition qu’elle y soit appelée – la consécration religieuse de toute sa personne est une mise en valeur privilégiée de son être profond, de ce qu’elle est, de ce qu’elle représente dans le tout de l’Eglise et du Monde…
La sainteté qui est le but ultime de l’Église, est fondamentalement féminine, parce que la Sainteté est spécifiquement une affaire d’Épouse et d’Epousement. Elle est tout entière contenue dans le ‘Me-Voici’ intime, total, définitif à Dieu…
Mais si la création, l’humanité, l’Église sont des réalités fondamentalement féminines, que l’Homme ?… Qu’est-ce que l’Homme par rapport à la Femme ? Que lui reste-t-il dans une création féminine, ainsi que nous l’avons dit jusqu’ici ? Quelle est sa place ?
L’homme, quel qu’il soit, appartient d’abord à la féminité universelle fondamentale de l’humanité et de l’Eglise ; il en partage l’unique vocation… Aux chrétiens de Corinthe, de tout sexe bien entendu, saint Paul déclare: ” Je vous ai fiancés à un l’Epoux unique, comme une Vierge pure à présenter au Christ ” (2 Co 11,1-2) .
C’est donc parfaitement clair: les hommes sont en situation fondamentale d’Épouses eux aussi… Et si nous observons attentivement, en profondeur, des personnalités aussi puissantes et originales que saint Bernard, saint François d’Assise ou saint Jean de la Croix – pour ne citer qu’eux – il nous paraît que derrière une masculinité certaine, évidente, ils incarnent et ils réalisent, dans le mystère même de leur sainteté, la féminité fondamentale de l’Épouse du Christ…
Le ‘Masculin’ n’est présent dans l’humanité féminine que pour la mettre – de la part de Dieu en situation d’Épouse. Le rôle et la fonction du ‘Masculin’ dans l’humanité est une médiation sacerdotale: il est de médiation sacerdotale. Par vocation, le ‘Masculin’ est au service de la promotion essentielle du ‘Féminin’ qui est le ‘Me- Voici’ de la Sainteté. Le sacerdoce ministériel est, dans l’Eglise, parfaitement représentatif de cette situation propre à l’élément masculin.
Un texte illustre – merveilleusement – ce rôle sacerdotal du ‘Masculin’: ” Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église. Il s’est livré pour elle ” (C’est l’acte sacerdotal par excellence, qu’est le sacrifice du Christ!)… ” afin de la sanctifier… (= de la rendre sainte : c’est sa vocation et sa raison d’être) car Il (Jésus) voulait se la présenter à Lui-même sainte et irréprochable ” (Eph 5,25-27)…
“Faisons-lui une aide“, disait Dieu d’Adam, au temps des origines (Gn 2,18). Au-delà du sens littéral, mais dans sa continuité, cela veut sans doute dire: ‘ Humanisons-le. . .’ Que sa masculinité ne lui fasse pas perdre de vue ce qu’il est réellement dans la profondeur de son être (la féminité universelle de la créature, aimée de Dieu). Et Dieu fit la Femme comme un Miroir pour l’Homme, comme un Révélateur et un Rappel permanent, efficace, vivant, de sa vocation essentielle à la féminité fondamentale de la création.
Alors, et c’est logique, Satan va s‘attaquer à la Femme: ” Vous serez comme des dieux ” = comme des Élohim, nom masculin pluriel: on pourrait presque traduire: ” Vous serez tous des mâles ” …
L’humanité devient toute entière ‘Masculin’ dans son désir profond, et rivale de Dieu… et tout est faussé dans le monde. Et toute ‘promotion de la femme’ qui s’établit sur la base de Gn 3,5 est, bien entendu, fausse dès le départ et ne peut aboutir qu’au résultat contraire…
“Je mettrai une inimitié entre toi (le Serpent) et la Femme” (Gn 3,15): ” Il s’agit d’un combat essentiel qui nous fait entrevoir la victoire de la Féminité sur l’usurpateur monstrueux de l’élément masculin, parfaitement représenté par Satan… Sa politique est d’aliéner, dans toute la mesure du possible, l’élément féminin fondamental, religieux par essence… en dénaturant la femme… ” (p. 42-43).
En 1943, dans la Relève n°IV (La Femme d’Aujourd’hui) du Père Doncoeur, voici en quels termes était cité “un très beau livre intitulé Veillée d’Arme, par Madeleine Delbrêl” (ancienne cheftaine Scout de France) :
Si les femmes manquent à ce grand devoir : être les antennes de la souffrance et de la faiblesse, il y aura des signaux que personne ne percevra dans le monde et des sauvetages qui ne seront pas faits. Or, “la vie est le grand enseignement de la femme. Les cours, les livres sont très bien pour elles, à condition qu’elles s’appuient sur la vie. Cette énorme bagarre, où nous sommes engagées, les hommes voudront la comprendre. Ils voudront la dominer. Nous c’est en image que nous la verrons. Cette compréhension de la vie se double du sens de la faiblesse. Etre femme, c’est aller vers ce qui est faible, comme vers un travail auquel on est depuis toujours prédestiné”.
La femme (continue Madeleine Delbrêl) grandit par le don d’elle même. Elle joue indéfiniment à qui perd gagne. C’est quand elle se dépouille qu’elle s’enrichit.
Il n’y a pas de grandes vies de femmes sans de grandes occasions de dévouement. La vie de femme prend l’ampleur de qui en a besoin : elle sera grande comme un homme, si un homme seul a besoin d’elle ; comme une famille, si une famille seule vit d’elle ; comme une ville, comme un pays, comme le monde, si ces femmes pensent pouvoir aider une ville, un pays, un monde.
Soyons fidèle à nous-mêmes, à ce sens profond qui nous révèle la fragilité et la douleur.
Les femmes ne sont pas chefs comme le sont les hommes. La femme est une éducatrice. L’homme conduit, la femme éduque. La racine est la même : les mots qui en sont nés différent. la femme éduque naturellement ce qui est près d’elle, elle l’influence et le conduit pour ainsi dire par l’intérieur.
Elle n’entraîne pas à l’action : elle donne les motifs et les aptitude pour l’action. C’est dans son rôle de mère que la femme réalise au maximum son rôle d’éducatrice, mais dans tous les domaines elle a à le remplir à un degré moindre.
L’homme-chef et la femme-éducatrice sont deux grandes forces dont la mise en veilleuse désaxe le monde. Il y a actuellement carence de chefs et carences d’éducatrices : devant ces deux carences, ne démissionnons pas.
“Ce mystère est grand… Je veux parler de l’union du Christ et de l’Eglise !” (St Paul aux Ephésiens)
8 décembre Madeleine Delbrêl