extraits de textes de Guy de Larigaudie
Le bel amour
Sentir au fond de soi toute la boue, les fanges et le bouillonnement des instincts humains et se tenir au-dessus, sans y enfoncer, comme l’on marche sur des marais à sec, en se laissant soulever par une sorte d’allégement de tout l’être pour que le pied ne pénètre pas. Rester dans l’amour de Dieu comme dans la pureté du matin, sur l’étendue brillante du marais, sans que le corps croule dans la vase.
(Etoile au grand Large, p. 11 et 12
La chasteté est une gageure impossible et ridicule si elle n’a pour armature que des préceptes négatifs. Elle est possible et belle et enrichissante si elle s’appuie sur une base positive : l’amour de Dieu, vivant, total, seul capable de contenter l’immense besoin d’amour qui remplit notre cœur d’homme. (page 12)
La danse est la grande joie du jeu libre de tous les muscles portés par le rythme de l’orchestre, avec tout ce qu’ajoute de grâce et de charme une présence féminine. Avec de saines et claires partenaires, elle est jeu de roi. Mais, si elle se résume en la possibilité de s’étreindre pourvu que l’on tourne, alors elle devient mauvaise et source de péché.
Il faut faire de toute faute un rebondissement vers un plus grand amour.
Nous ne sommes que des âmes déficientes dans de pauvres corps lourds de désirs. Mais nous vous aimons, mon Dieu, nous vous aimons de toute la force de ces pauvres âmes, de toute la force de ces pauvres corps. […]
Il est des heures lourdes où la tentation du mal vous tient si fort, si irrésistiblement, par tout le corps, que l’on ne sait plus que dire machinalement du bout des lèvres et sans presque plus y croire : Mon Dieu, je vous aime tout de même ; mais ayez pitié de moi. (page 13)
Les pensées mauvaises choisissent le soir pour nous envahir, parce que les heures nocturnes sont propices à la fièvre de l’imagination et du corps. Une bonne manière de s’en rendre maître est de prendre sa couverture et de coucher tout bonnement à côté de son lit, sur le plancher. Notre frère l’âne, calmé, en demeure tout pantois et, dominées, les pensées mauvaises s’éloignent.
Au moment d’une tentation violente, alors que la volonté se défibre et que le corps tout entier s’alanguit prêt à céder, il est bon, pour témoigner malgré tout un peu d’amour à Dieu, de s’obliger à une mortification minime : ne pas mettre de sel dans le potage trop fade, ou ne pas déplacer un objet qui vous gêne. Cet acte infime d’amour, mais qui demeure possible dans la pire débâcle apparente de l’âme, est comme un appel de la grâce et la volonté s’en trouve raffermie.
Ce devait être une métisse. Elle avait des épaules splendides et cette beauté animale des sang-mêlés, aux lèvres lourdes et aux yeux immenses. Elle était belle, sauvagement belle. Il n’y avait vraiment qu’une chose à faire. Je ne l’ai pas faite. Je suis remonté à cheval et je suis parti à toute allure, sans me retourner, en pleurant de désespoir et de rage. Je crois qu’au jour du jugement, si je n’ai pas autre chose à donner, je pourrai offrir à Dieu comme une gerbe, toutes ces étreintes que, pour son amour, je n’ai pas voulu connaître.
Les jeunes filles
Les jeunes filles sont l’image précieuse de notre mère lorsqu’elle avait notre âge.
Petites ou grandes, blondes ou brunes, elles sont claires, nettes et saines, et Dieu lui-même doit sourire lorsqu’Il les voit passer.
Plus tard seulement, lorsque tu seras plus mûri, tu découvriras parmi elles, ta femme de demain.
Aujourd’hui, considère-les tout simplement comme de franches compagnes.
Une éducation faussée nous a trop souvent appris à ne voir dans la femme qu’une occasion de péché, au lieu d’y déceler une source de richesses.
Mais sœurs, cousines, amies, camarades ou cheftaines, les jeunes filles sont les compagnes de notre vie, puisque dans notre monde chrétien nous vivons, côte à côte, sur le même palier.
Sans doute la camaraderie entre garçons et filles est chose infiniment délicate, qu’il faut mener avec prudence et régler chacun pour soi à sa propre mesure.
Mais c’est un manque a gagner certain que de négliger ce don de Dieu que sont les vraies jeunes filles.
Elles ont une vertu de pureté dont le rayonnement nous est salutaire, à nous qui devons batailler sans cesse pour maintenir en nous cette même pureté.
Si elles savent se tenir à leur place – et c’est d’elles uniquement que dépend, en leur présence, la tenue des garçons – leur influence peut être profonde.
Il n’est que de voir, sur une plage ou à la piscine, les jeunes gens cherchant à éblouir les jeunes filles. Un regard admiratif, un sourire suffisent pour donner à un garçon le coup de fouet d’amour-propre qui le fera sauter, malgré sa crainte, du haut du plongeoir.
Pourquoi, sur un plan différent, ce même regard et ce même sourire ne donneraient-ils pas à ce garçon plus de lumière et de cran dans sa vie ?
La chanson d’une eau vive entraîne loin du marais. La présence des jeunes filles écarte grossièretés et lourdeurs. Certaines d’entre elles, rencontrées aux heures mauvaises, vous clarifient littéralement l’âme.
Nous sommes de grands garçons maladroits et patauds. Les jeunes filles nous forcent à la politesse et à la courtoisie. Leur grâce nous allège et rétablit l’équilibre.
Nous sommes trop cérébraux. Les jeunes filles comprennent d’un seul coup avec leur cœur ce que nous disséquons péniblement avec notre raison. Leur présence est un apaisement. Elles sont un sourire et une douceur dans notre cercle de luttes.
Mon Dieu, faites que nos sœurs les jeunes filles soient harmonieuses de corps, souriantes et habillées avec goût.
Faites qu’elles soient saines et d’âme transparente.
Qu’elles soient la pureté et la grâce de nos vies rudes.
Qu’elles soient avec nous, simples, maternelles, sans détours ni coquetterie.
Faites qu’aucun mal ne se glisse entre nous.
Et que, garçons et filles, nous soyons, les uns pour les autres une source, non de fautes, mais d’enrichissement.