Biographie de Guy de Larigaudie

Source : ANSFAC
Guillaume Boulle de Larigaudie, connu sous le nom de “Guy de Larigaudie”, fut ce Routier de Légende, écrivain, et journaliste. Né le 18 Janvier 1908, et mort pour la France le 11 mai 1940

Jeunesse périgourdine et scoutisme parisien

Guy de Larigaudie est né à Paris, rue Stevens, mais par son père, on fait remonter ses ancêtres en Périgord, dans leur demeure des Gérauds, à St. Martin de Ribérac (Dordogne), depuis 1525. C’est aux Gérauds, du reste, qu’il passa les années de la première guerre mondiale, tandis que son père était mobilisé. Ce séjour campagnard qui dura de 1914 à 1920 le marqua profondément. Dès sa rentrée à Paris, le jeune garçon entre dans le scoutisme à la XIIème Paris en 1923, il avait 14 ans. Il fait sa promesse 6 mois plus tard dans une clairière d’Ile de France.
Jamais au cours de sa vie mouvementée, de ses échecs et surtout de ses succès, jusqu’au moment pathétique de sa mort pressentie, il n’oublia cette promesse. Il semble impossible de dissocier le scoutisme de la vie passionnante et aventureuse de Larigaudie. Son amour de l’action et de la vie à 100% sous le soleil ou la pluie l’aurait probablement mené vers les horizons lointains et les voyages, même s’il n’avait jamais connu le scoutisme. Cependant la découverte de la méthode de Baden Powell ne pouvait que renforcer ses aspirations personnelles, réalisant une conjonction sur tous les plans.

Les Gérauds

Plaque souvenir
Il poursuit ses études et devient bachelier à 18 ans . Il s’interroge alors sur sa vocation et se demande s’il ne ne sera pas missionnaire. Il entre au Séminaire d’Issy et étouffe bientôt entre ses murs. A l’été 1927, il est obligé de partir au Périgord pour se reposer, et tâcher de trouver un équilibre entre ses aspirations et ses possibilités. S’ouvre alors pour lui une très longue année de repos et presque de prostration. En 1929, ses parents l’envoient à Villard de Lans pour compléter une guérison problématique. Dans l’air vivifiant des Alpes, il quitte soudain la chaise longue pour une paire de skis et redresse ainsi le cours de sa santé, en même temps qu’il se découvre un énorme appétit de vivre et une vocation pour l’écriture. En octobre 1930, il doit faire son service militaire au 6ème Régiment de Cuirassiers stationné à Verdun. La vie au grand air lui convient très bien et il se passionne pour les chevaux, trouvant les officiers “épatants” et ses camarades “de braves types”. Il fait un stage à Saumur et passe au 9ème Dragons à Epernay. Pour un peu la carrière militaire le tente, mais il est démobilisé en 1931 et se doit de trouver un emploi… Il a 24 ans et pas de situation.
1932 restera pour lui une année noire quand, de guerre lasse, il se présente au Q.G. des Scouts de France et demande au rédacteur en chef de la revue, Maurice de Lansaye, de lui publier quelques nouvelles ou contes qu’il a dans une sacoche. Une amitié entre Guy de Larigaudie et Maurice de Lansaye se noue bientôt. Une intelligence entre “gens de plume”, puisque le rédacteur du “Scout de France” a lui-même publié un roman chez de Gigord, “L’aventure du roi Torla”. Il commande alors à Guy un roman pour la revue. Et c’est la sortie de “Yug” (anagramme de son prénom) qui paraît en feuilleton début 1933.

Le scoutisme et ses débuts littéraires

Entre ses préoccupations de travail, Guy de Larigaudie poursuit aussi des études de droit et consacre ses loisirs auprès d’une troupe scoute dont il a pris la direction à Montmartre. Il s’occupe avec dévouement et affection des garçons de cette unité, et non seulement, il consacre ses dimanches à organiser des grands jeux dans les bois de Verrières, mais il ne se passe pas de jour qu’il n’ait un lien avec ses CP, ou tel scout en difficulté. Fidèle à la messe matinale il prie pour eux.
Mieux encore, il nourrit son inspiration littéraire du scoutisme vécu avec sa troupe et au cours des différents camps. En effet, “Yug” est un succès et son ami Maurice de Lansaye le présente chez de Gigord où le roman est repris dans la collection “Feu de Camp” et paraît , cette fois en livre, en octobre 1933. Au même moment, Guy est reçu à son examen de droit et se voit commander de nouveaux manuscrits. Il écrit successivement “Raa la buse”, “L’îlot du grand étang” et donne une suite à Yug avec “Yug en terres inconnues”. Il quitte la direction de sa troupe pour entrer à la Route naissante, où il découvre le Père Doncoeur qui transcende “la Route du succès” de Baden Powell en une “Voie, une Vérité et une Vie “, toute orientée vers la découverte de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le 24 décembre 1933, il participe à l’un des premiers Noëls routiers, celui de Larchant. A l’issue de la veillée, il fait son Départ Routier. Il ne sait pas encore qu’en recevant les trois couleurs jaune, verte et rouge du noeud d’épaule, le rouge sera pour lui réellement “la couleur du sang versé et du dévouement, les deux seules choses dont il ne faut pas être économe” ! Entre ce “départ” et sa mort en mai 1940, ce fut pour lui une succession de découvertes émerveillées.

L’appel des voyages

Il débute d’abord par l’Autriche pour de courtes vacances de skis payées avec ses droits d’auteur et qui lui permettent de préparer un ouvrage futur “La Légende du ski”, puis il part pour l’Angleterre et l’Australie avec la petite délégation (Schlemmer, Lansaye, Drapier…) se rendant au Jamboree national de Frankstone par la ligne régulière maritime. “Vingt scouts autour du monde” est le livre qu’il écrivit à son retour et où il témoigne de sa grande sensibilité à la mer, au soleil, au climat, à la vie…
Entre deux voyages, il trouve le moyen de reprendre ses activités de routier, de faire des conférences et de signer des contrats aux Editions Desclée de Brouwer, tandis qu’il prépare pour les Editions Alsatia et la collection “Le Signe de Piste”, dont Maurice de Lansaye est devenu directeur, un nouveau roman scout, “Le tigre et sa panthère”.
En août 1935, il part pour les Etats-Unis en empruntant le nouveau paquebot “Normandie”. Il fait ensuite un périple dans le continent nord-américain, ayant prévu des arrêts à Washington, Saint-Louis, Santa-Fé, Los Angeles, San Francisco. Tout lui est bon pour découvrir le pays, depuis la conférence sur la France qu’il fait devant un public enthousiaste à l’Université de Californie, aux rassemblements indiens du Colorado en passant par Hollywood où il a la chance de fréquenter quelques “stars” du cinéma de l’époque.
Au début de 1936, il est à Tahiti où il est littéralement envoûté par les îles : “le climat, la douceur de la race thaïtienne, les fleurs, les chants et les danses créent une atmosphère trouble qui englue l’âme et le coeur”. Logé dans une case du bord de l’eau, il se lève tôt et va du lit dans la mer… De retour aux USA, il a épuisé ses ressources et il cherche du travail. Il devient plongeur dans un restaurant de San Francisco, où il lave des milliers d’assiettes pendant 10 heures par jour pour trente dollars par mois !
Il parcourt ensuite la grande Prairie, et termine par Montréal auprès des scouts canadiens. Il revient en France sur un cargo où il commence son nouveau livre “Par trois routes américaines”. A son arrivée, le 23 mai 1936, il ne lui reste qu’un franc cinquante en poche ! Il a vite repris contact avec le scoutisme, il participe au camp d’été de la XXXIème Paris et, en septembre, assiste à un camp-école de chefs Routiers au Breuil.

Le Raid Paris-Saïgon

Il est maintenant connu des éditeurs et de la presse où il a ses entrées et il prépare avec un autre routier, Roger Drapier, un raid automobile qui devrait relier Paris à Saïgon. Effectivement, avec une vieille Ford d’occasion (décapotable, 19cv, 4 cylindres) qu’ils baptisent “Jeannette”, ils vont en sept mois réaliser ce tour de force, pour l’époque, de faire passer leur inoubliable “Jeannette” à travers le delta du Gange, et à lui faire grimper la chaîne birmane, jusque là réputée infranchissable par un tel véhicule ! Ils partirent du Jamboree de Vogelenzang en Hollande, où leur départ fut largement médiatisé, soutenus par les milliers de scouts présents, et leur équipage béni par le Père Forestier.
Ces deux routiers en uniforme,après avoir surmonté les pires difficultés, risqué la noyade, les chutes en de profonds ravins, la jungle, la boue, la neige et le soleil ardent, recoivent finalement un accueil enthousiaste à Saïgon. La “Jeannette” est vendue aux enchères, rachetée par une meute de louveteaux (soutenue par leurs parents) qui la rend aux deux Routiers (restée en Indochine, il semble que cette pièce historique n’ait pas résisté à l’invasion japonaise qui rafla tous les métaux !), tandis que Ford leur offre une voiture neuve!
Les deux compagnons se séparent le 12 mai 1938. Bien entendu, le sujet de leur voyage fait l’objet d’un nouveau livre : “La route aux aventures” écrit sur le bateau du retour alors que Guy avait appris que Plon acceptait son manuscrit, “Résonnance du Sud”.

Le Routier de Légende

A trente ans, il restait au jeune écrivain à faire la traversée la plus dangereuse, celle de son véritable devenir et de sa propre vocation. Il crut l’avoir trouvée dans le service des lépreux, et la fondation d’une troupe scoute dans l’un de ces pays frappé par le fléau.
Il entreprend les travaux préparatoires d’un livre sur le Périgord auquel il pensait depuis plusieurs années et qui s’intitulerait “Le chant du vieux pays”. C’est alors que la guerre le surprend, tandis qu’il avait déjà écrit une grande partie de ce qui fut plus tard “Etoile au grand large” et qui reste encore pour beaucoup un maître livre de réflexions et de pensées.
Ce cavalier émérite eut la chance de servir dans la cavalerie. Dernier chevalier d’une époque révolue. Le soir du 11 mai 1940, il tomba mortellement frappé alors qu’il animait un terrible combat au corps à corps à Musson (à la frontière Belgo-Franco-Luxembourgeoise). On retrouva sur lui une lettre qu’il n’avait pas eu la possibilité de poster, et qui indiquait clairement qu’il avait presenti sa fin. Parlant du scoutisme auquel il pensa jusqu’au bout, il en disait :

J’avais rêvé de devenir un saint
et d’être un modèle pour les louveteaux, les scouts et les routiers…
L’ambition était peut-être trop grande pour ma taille, mais c’était mon rêve…

Saint Martin de Ribérac

Berceau familial de Guy de Larigaudie, où il repose au cimetière communal.

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