fleur R3✿23

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(voir avant la fleur R3✿22 : Les grèbes modernes)

bouquet de l’étang / R3✿20

✔ fleur R3✿23 : Biber le castor

Mais Zakou sympathisa surtout avec un autre animal, rencontré près de la rivière qui passe par l’étang. Je dois vous raconter maintenant son l’histoire.

C’était par une claire soirée de printemps : notre petit écureuil se promenait seul au bord de la rivière, qui charriait encore un peu des eaux de la récente fonte des neiges.

« Mais qu’est-ce qu’on entend par ici ? Des sanglots ? Il y a quelqu’un qui pleure sur la berge, là bas ! » Zakou s’approche inquiet, et découvre un jeune Castor, lui aussi tout seul et bien triste.

« Tu as l’air pleureur comme un saule, pourquoi es-tu si triste ? Est-ce à force de croquer ces saules que tu es dans cet état ? » lui demanda Zakou pour essayer de le faire sourire.

Mais il fallut du temps pour que Biber, le jeune castor, sèche ses larmes et accepte d’ouvrir un peu son cœur à un nouvel ami.

Zakou était résolu à l’écouter sans trop parler ni se mettre lui-même en avant. « En parlant peu, tu entends davantage » lui répétait souvent la sage Philothée.

Voici donc l’histoire de Biber le castor, telle qu’il la lui a racontée. Biber avait tout d’abord vécu avec ses parents, choyé et dorloté, dans une hutte – un terrier située sur l’étang du Haut Saussy-, non loin de la rivière.

Une vie alors heureuse et sans histoire, dont il ne savait que dire, tant « les rivières les plus profondes sont les plus silencieuses ».

Zakou l’écoutait, et remarqua que si le jeune Castor n’avait pas autant d’aventures que lui à raconter, les souvenirs tout simples de sa vie en famille étaient tout aussi dignes d’intérêt.

Éducation

Les parents Castors étaient un couple bien fidèle depuis des années, et ils s’aimaient tendrement. Biber était né, comme sa sœur, il y a deux ans. Petits, ils gémissaient déjà tout le temps, avec des pleurs comme un bébé.

Au début, quand il était pas trop lourd, sa mère acceptait de le transporter sur sa queue à plat… Ah ! Comme il aimait ces promenades sur l’eau ! Et elle le prenait aussi dans ses bras, quand elle marchait debout.

Ensuite sa mère lui apprit à nager, à reconnaître sables, graviers et roches dans le fond des rivières. A reconnaître aussi les arbres, si utiles pour les constructions, et l’alimentation puisque les castors sont végétariens.

Il faut savoir reconnaître les jeunes saules dont les rejets taillés vont bouturer. Ah ! Parlez-moi d’une jeune pousse de saule bien fraîche, un vrai délice… » A force d’être ainsi taillé, ces arbres finiront par former comme des buissons de saules têtards, tout au long des berges.

Il y a aussi le cyprès chauve dont certaines racines ont la particularité de pousser vers le haut, au dessus des sols gorgés d’eau. Elles permettent ainsi au système souterrain de respirer de l’oxygène, un peu comme par des tubas…

Le noyer lui, contrairement au nom qu’il porte, n’est pas noyé dans l’eau ! Mais comme le pissenlit il est est capable de rejeter par ses racines des substances toxiques dans le sol, pour empêcher d’éventuelles racines concurrentes d’y pousser.

Les arbres n’avaient plus de secrets pour Biber, il savait tout ce qu’ils valent.

Sa maman l’éduqua, et parfois comme toute les mamans, elle lui donnait l’ordre de rentrer à la hutte, alors qu’il préférait toujours jouer dehors. Pour donner le signal d’alerte les castors frappent l’eau par de grands coups de queue, et cela fait comme une détonation.

L’entrée de la hutte se faisant sous l’eau, cela les protège de nombreux prédateurs. Mais il faut se méfier quand il commence à faire chaud : le niveau d’eau peut baisser… Et puis il y a les loutres qui savent bien nager !

Mais Biber qui aimait bien jouer avait aussi des défauts. Son père l’incitait à combattre cela au plus vite. Le petit Castor était assez individualiste. Et il était très fier de n’avoir pas une queue comme les autres animaux.

« Attention à l’orgueil mon fils, ce sont les arbres les plus hauts qui font les plus grandes chutes.

Chacun a ses défauts, mais il ne faut pas les laisser grandir, comme de mauvaises pousses. Sinon elles finissent par tout envahir. Il est plus facile de les arracher quand elles sont petites.

Dis donc, toi qui te croyais si fort, pourquoi n’as-tu pas arraché cette mauvaise herbe avant qu’elle ne devienne une plante ?

Toi qui t’es cru si fort, n’attend pas : essaye maintenant d’arracher cette plante, avant qu’elle ne devienne arbrisseau.

Toi qui te crois encore si fort, pourquoi tarderais-tu à arracher cet arbuste dangereux ? Sinon, demain, il deviendra un arbre, aux grandes racines ! »

En fait, son défaut le plus visible était des excès de colère, où il s’abandonnait parfois à des mots qu’il regrettait ensuite amèrement.

Dire des gros mots ce n’est pas signe qu’on est plus grand que les autres ! Au contraire… « La colère est l’œuf de la peur » lui répétait sa mère.

« Mais je n’arrive pas à me maîtriser, répondait Biber. Comment éteindre ce feu de la colère ? »

Un jour elle lui donna cette recette quasi magique : « Il suffit de garder l’eau pure dans ta bouche à l’heure de la dispute, et toutes les mauvaises paroles s’éteindront ! »

Partir

Mais il arriva qu’un soir, notre Castor refusant les bons conseils de ses parents sortit tout en colère, et ne rentra pas se reposer à la maison.
Il erra longtemps dehors. Mais sa fugue pris un goût amer quand il se mit à chercher un autre gite hospitalier. A la fin, Biber se mit à comprendre la chance qu’il avait autrefois d’être avec sa famille, bien à l’abri dans la hutte.

Car il avait demandé asile à divers animaux, mais à chaque fois cela ne convenait pas :

Il demanda à un pic dans son tronc, mais son entrée était trop petite !

Il demanda à la pie dans son nid, mais un castor ne peut pas s’envoler là-haut !

Il demanda à la taupe dans ses galeries, mais c’était trop étroit.

Il demanda à la biche dans ses buissons, mais il y avait trop de vent dehors.

Il demanda au crapaud dans son trou, mais c’était trop humide et boueux.

Il demanda à la couleuvre dans son pierrier, mais la couche était vraiment trop rude.

Et finalement, quand épuisé il crut trouver une enfin une tanière où dormir.. il en sortit en courant, quand il entendit au fond les grognements d’un chien qu’il avait pris pour un loup !

La vie n’est pas facile quand on a quitté le nid familial…

Heureusement, le lendemain il croisa aussi Bièvre, une jeune castor femelle qui était pleine de compassion.

C’est elle qui finit par le persuader de revenir à la maison, même si (par orgueil), il ne voulait pas avoir l’air de céder en rentrant chez papa-maman.

« Tu pourrais être comme celle qui voyage sans cesse, jour et nuit, tout en restant dans son lit ? »

« Mais de qui parles-tu ? »

« De la rivière, pardi ! »

Bièvre était sympathique. Et Biber remarqua que les vrais amis sont ceux qui vous entraînent au bien. Les autres ne sont que des camarades, et parfois mauvais. Il faut bien savoir choisir.

Avant de retourner rejoindre la famille, les deux Castors ont promis de se retrouver. Bièvre a pris une feuille de tilleul grande comme une main, l’a coupée en deux et lui en laisser une moitié. « Chacun en garde une partie. Ce sera notre signe de reconnaissance. »

Et une fois retourné chez lui, Biber n’est pas resté bien longtemps avec ses frères et sœurs, nés l’année suivante. Avec cette nouvelle portée, la hutte devenait trop étroite pour tout ce beau monde, et père castor décréta que Biber, à deux ans, était maintenant assez grand pour vivre sa vie ailleurs !

Biber a donc dû repartir, définitivement cette fois, et prendre son autonomie. Mais il eut bien du mal à s’y résoudre : quand il essaya de retourner quand même dans le terrier, père castor l’a proprement chassé en le jetant à la porte. Il lui a interdit de revenir sur cette partie de la rivière, et même mordu l’oreille en signe d’avertissement !

C’est ainsi, dans cet état là -seul et découragé-, que Zakou venait de faire sa connaissance… Biber se lamentait donc sur le paradis de sa jeunesse perdue.

Retrouvailles

Zakou essaya alors de consoler Biber du mieux qu’il pouvait : « Allez, la vie continue. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve.

Moi aussi je suis seul, et parti du nid ; il est normal que les enfants quittent un jour leurs parents et deviennent autonomes. Tes parents t’ont donné la vie et tout ce qu’il faut pour savoir te débrouiller dans la vie. L’éducation, c’était ta mise au monde adulte.

Et puis dis-toi bien que tu n’es pas seul dans ton cas. D’autres castors de ton âge sont aussi en ce moment même en train de chercher de nouveaux territoires. As-tu cherché au moins à savoir ce qu’est devenue ton amie Bièvre ?.. »

 

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