fleur O5✿33

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(voir avant la fleur 5✿32 Bischiniz et le mot de passe)

bouquet de l’alouette/ O5✿30
✔ fleur O5✿33 : Pic et Pics

En s’enfonçant dans la forêt, Zakou entendit d’abord un mâle Pic épeiche, reconnaissable à sa calotte aux plumes rouge vif. Ce pic avait installé sa « forge » dans une fourche d’arbre, comme un atelier où il coinçait les fruits de conifères pour en extraire les graines.

Appuyé sur sa queue rigide avec deux griffes acérées tournées vers l’avant, et deux vers l’arrière, le bec du Pic épeiche frappait à une vitesse folle l’écorce d’une douzaine de coups en une ½ seconde (avec une nette accélération à la fin).

Comment n’en attrapait-il pas des migraines ? Le crâne du pic à une ossature épaisse avec un amortisseur sous forme de coussinet cartilagineux souple derrière le bec.

Sa langue se replie dans un tube s’enroulant vers le haut, autour du crâne. Longue de plusieurs centimètres elle lui permet d’atteindre les insectes sous l’écorce dans des galeries qu’il a percé de son bec.

« C’est donc toi qui trace ces cercles de petits trous que j’ai remarqué autour de certains épicéas ? » lui demanda Zakou.

« Oui j’apprécie leur sève montante de février à septembre, et ces résineux sauront bien cicatriser leurs petites blessures qui formeront des bourrelets annelés.  Mais cela c’est surtout la spécialité du Pic tridactyle (moi l’épeiche j’ai 4 doigts). En tournant en rond j’ai l’impression d’être libre, et de pouvoir sans cesse tout choisir. »

Zakou se dit que cela ne le fera guère progresser. Si on tourne sans cesse autour de l’arbre qui est aux carrefour des chemins, on n’avancera jamais. Il faut bien choisir une direction pour avancer. La liberté implique choisir et donc de renoncer à tous les possibles.

« Mais j’apprécie aussi les œufs et les oisillons au printemps… repris le Pic. Quand mon ombre se projette à l’entrée d’un nid de mésanges, il y a toujours un jeune affamé pour se précipiter vers moi comme si j’étais un de ses parents lui apportant à manger ! Il ne me reste plus alors qu ‘à le cueillir au bec ! »

L’écureuil se rappela qu’il avait apprécié lui aussi dans ses pérégrinations le nid creusé par le bec d’un grand Pic noir, portant de même une calotte rouge.

Il n’était pas le seul d’ailleurs à profiter de ces loges au cœur des troncs. Son ennemie la Martre, aussi bien que son amie Philothée la chouette de Tengmaln y séjournaient volontiers. De même que bien des abeilles, guêpes ou frelons savaient profiter du travail creusé par le bec des Pics.

Le bruit que fait alors le Pic noir s’entend de très loin. Et il est essentiel pour lui d’user de son instrument contre les troncs car, poussant continuellement, son bec pourrait atteindre 15 cm. par an ! L’hiver le Pic noir peut s’en servir aussi pour creuser un tunnel sous le neige afin d’atteindre une fourmilière.

« Ce n’est pas moi qui chasserait ainsi des insectes l’hiver », dit en volant un pic vert qui s’approcha. « Je n’aime pas la neige et n’apprécie en forêt que les arbres morts » dit-il en riant.

Le Pic vert ne tambourine presque jamais. Il reste fidèlement près de son nid de naissance. Il demanda à Zakou où ses pas le menaient.

« Bonjour M. le Pic, ce nom me rappelle la maman hérisson que j’ai rencontrée autrefois. Je cherche à rejoindre une biche et son petit faon, ou même le grand cerf. Mais je ne peux pas voler comme toi, et n’ai que ces deux petites pattes »

« Deux pattes ou milles pattes, même entre deux chemins il faut bien en choisir un seul ! » dit le Pic-vert. Ne te laisses pas impressionner par le nombre ou le bruit.

Regarde ces autres pics, avec tout le tintamarre qu’ils font. C’est à en devenir sourd quand on vit à côté.

L’autre jour je faisais cette remarque à un Pic noir. Pourquoi fais-tu tant de bruit en frappant avec ton bec ?” “Pour éloigner les lions.” m’a-t-il dit “Mais il n’y a pas de lion par ici.” “Voilà, tu vois bien donc que cela marche !” m’a-t-il répondu.

Je crois qu’à force de taper il est devenu un peu sourd. On ne tape pas avec sa tête sans quelques dégâts… ce vieux pic croyait même que sa femme devenait sourde alors que c’était lui qui l’était.

« Qu’est-ce que tu as trouvé à manger » lui criait-il en s’approchant de plus en plus près. Il pensait qu’elle entendait pas jusqu’au moment où enfin il l’entendit répondre « depuis que tu descend de l’arbre, je n’arrêtes pas de te dire que j’ai trouvé de petits vers délicieux ». Sa femme n’était donc pas sourde, en réalité c’était plutôt lui qui ne l’entendait plus. Mais il avait pensé le contraire.

Zakou appréciait ce nouvel ami et fit au Pic un compliment sur les belles couleurs rouges et vertes de son plumage.

« C’est comme ce que j’explique aux pies tentées par les cerises quand elles sont trop jeunes : rouge vous vous y arrêtez ; mais quand c’est vert, vous passez ! »

L’écureuil avait bien envie de sauter sur le dos de ce joyeux Pic-vert, et se voyait déjà voler ainsi vers l’autre bout de la forêt. Combien pèserait un petit rongeur sur le dos d’un grand Pic-Vert ?

Si je vous dit que c’est ainsi -sur le dos de l’oiseau- qu’il arriva jusqu’à l’endroit ou résidait la Nebra la biche, vous aurez du mal à me croire. Il avait beau en rêver, tout le monde sait bien qu’un écureuil cela ne sait pas voler.

Il faudrait que je vous les montre tous les deux en photo. Mais même les photos sont facilement truquées me répondrez-vous.

Pourtant c’est bien ainsi, en volant sur le dos du Pic vert qu’il fut amené face à une biche, qui préparait une surprise pour son petit faon appelé Bischiniz.

voir ensuite

fleur O534 invités au festin de Nebra

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