fleur G9✿22

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(voir avant la fleur G9✿21 : la martre et les yeux de Lampyre)

bouquet du feu / G9✿20

✔ fleur G9✿22 : Les énigmes de Goupil

“Moi je peux t’aider à les dénicher, faisons équipe ensemble”, dit d’une voix enjôleuse le Goupil qui passait par là. J’en cherche souvent, des muscardins. Et si tu es assez rusé, nous pourrons associer nos talents. Il parait que tu as déjà découvert pas mal de secrets dans la forêt ?”

Zakou avait appris aussi à se méfier des flatteries du renard, et resta prudemment en retrait assez haut sur la branche…

“D’ailleurs tu ressembles beaucoup à ces loirs, qui ont aussi une longue queue touffue et que j’aperçois, les nuits d’été, courir de branches en branches.

Ils sont plus bavards que toi, les loirs. Dommage qu’ils passent les trois quart de l’année à dormir. Je leur serrerais la patte bien plus souvent, si je le pouvais”…

L’écureuil se rappela que les petits rongeurs étaient souvent la proie de renards. Philothée lui avait même raconté une fois avoir essayé d’attraper un loir qui avait perdu ses vertèbres au bout de la queue !

Toute sa peau la recouvrant, il l’avait laissée dans la gueule d’un prédateur. Elle s’était détachée comme une vulgaire chaussette qu’on retourne !

Mais à la différence de la queue des lézards, c’était sans espoir qu’elle repousse pour le rongeur… Ses vertèbres caudales à vif se desséchèrent, puis tombèrent définitivement. Mais le pauvre handicapé avait au moins gardé la vie sauve.

“A quoi penses-tu ? Tu ne réponds rien, du haut de ta branche ? continua Goupil d’un ton cajoleur. Voyons si Zakou mérite désormais une réputation de sage. Allez, je te propose trois énigmes, et si tu réponds bien je m’engage à t’indiquer où j’ai entendu muscardin parler de feu”.

“Comment savoir si tu tiendras parole ?” demanda Zakou qui se méfiait des ruses du renard.

“Justement ma première question est celle qui implique nécessairement une réponse affirmative. Dis-moi quelle est cette question à la quelle, en vérité, on ne peut pas répondre autrement que oui ?”

Zakou, qui avait déjà entendu les énigmes de Philothée, répondit sans hésiter : la question “Comment prononce-t-on ces trois lettres ensembles : O-U-I ?”

“C’est bien… repris maître Goupil, je vois que tu as toi aussi plus d’un tour dans ton sac. Mais sais-tu qui fait aussi le tour du bois sans pouvoir y rentrer ?”

L’écureuil savait qu’il y a bois et bois, et le souvenir de son petit nid dans l’arbre de son enfance lui fit penser naturellement à la bonne réponse : “c’est l’écorce dont tu parles, qui fait le tour du bois !”

Goupil admira secrètement la vivacité d’esprit du petit écureuil et, tout en se disant qu’il serait bon de s’en faire un allié, le soumit à une troisième épreuve : “Je suis au début de la nuit mais aussi à la fin du matin… Qui suis-je ?”

Ce coup-ci, Zakou se demanda bien ce que cela pouvait être. A la fin de la nuit et au début du matin, cela aurait pu être la lune ; mais là “au début de la nuit mais aussi à la fin du matin” cela n’avait aucun sens !

“Cela se trouve aussi au bout du muscardin que tu recherches” ajouta Goupil d’un air mystérieux.

L’écureuil pensa à la queue si souple dont les muscardins se servent pour s’agripper aux tiges de blé, en se penchant pour attraper les grains (on les surnomme les “rats des moissons”). Mais cela n’avait aucun rapport avec “le début de la nuit et la fin du matin”.

Zakou allait abandonner, car il ne savait pas écrire ces mots : nuit – matin (ou muscardin). Goupil non plus, mais il répétait sans comprendre ce qu’il avait entendu dire du côté des lutins géants.

Et pour vous qui savez lire, c’est facile à deviner : “au début de la nuit mais aussi à la fin du matin” il y a la lettre “n” !

Goupil baragouina que chacun avait un peu gagné, car il n’avait pas envie d’expliquer ce qu’il n’avait même pas compris.

Et, changeant de conversation, il entraîna l’écureuil vers un coin de la forêt où de grands arbres étaient couchés à terre. Cela formait comme un abattis bizarre, qui n’avait pas l’air d’avoir été provoqué par une tempête ou un ouragan.

Depuis quelques temps on attendait de grands bruits par là. Un vacarme étonnant au milieu du silence de la forêt. Les arbres qui tombent font toujours plus de bruit que la forêt qui pousse…

“J’ai connu par là une colonie de muscardins malades l’hiver dernier déclara Maître Goupil chemin faisant, quand j’ai dû prouver à quelques ignorants que j’étais aussi un grand médecin.”

Zakou le suivait prudemment un peu plus haut, sautant de branche en branche. Il avait appris à ne pas prêter trop de créance aux dires du Goupil. Les mésaventures des trois petites gelines étaient encore présentes à sa mémoire…

“On dirait que tu doutes toi aussi de mes capacités médicinales, demanda Goupil un peu vexé.

“Je me suis présenté au nid des ces muscardins malades en leur proposant ce marché : Promettez-moi que -si je vous guéris- vous publierez partout mes louanges. Si je vous guéris tous, vous proclamerez à tout vent que c’est bien moi le grand médecin qui vous a sauvé la vie…”

“Nous voulons bien, répondirent-ils de leur petite voix malade, mais nous sommes pauvres. Et si nous ne guérissons pas, que vous devrons- nous ?”

Grand Seigneur, je leur ai répondu :”Dans ce cas, si vous en mourrez, n’ayez crainte je ne vous demanderai rien. On en restera là. Nous en serons quitte et l’affaire sera close entre nous !”

“Et comment t’y es-tu pris pour les guérir ?” demanda Zakou que l’histoire commençait à intéresser.

“Oh tout simplement. Il y avait justement là un feu de braises ardentes qui m’a servi de remède implacable pour qu’ils se sentent mieux que leur voisin.

Il a suffi que je déclare leur mal trop grand pour pouvoir les guérir tous. Mais que j’avais une solution miracle qui en sauverait quelques uns : une potion à base des cendres du plus malade d’entre eux.

De toute façon chacun meurt bien un jour. Si haut qu’on monte, on finit toujours par des cendres. Alors autant sacrifier celui qui va le moins bien pour fortifier les autres. Alors j’ai demandé “qui va être consommé sur ces braises” ?

La vue du feu fut si efficace qu’ils s’en allèrent tous un par un, disant qu’ils commençaient à se sentir beaucoup mieux.

Chacun s’éloigna en disant qu’assurément, ce n’était pas lui le plus malade…. et même que déjà il commençait à se sentir guéri !”

Vieux filou de Renard ! pensa Zakou… Il faut que je me débarrasse de lui avant qu’il ne me joue encore un tour.

“Mais montre-moi d’abord un nid de muscardin”.

voir ensuite
fleur G923 mais il est pris dans un marché de dupes quant à sa dette,
fleur G924 un muscardin réveillé par un feu révèle son secret
fleur G925 lui qui a déjà volé dans les griffes d’un rapace.

 

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