fleur R3✿12

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(voir avant la fleur R3✿11 : Les trois compères)

bouquet du lézard/ R3✿10

✔ fleur R3✿12 : Répétant l’avis du dernier ouï.

C’est ainsi que Bis quitta ses parents pour suivre le crapaud et le lézard. Je vous ai déjà expliqué que cette rainette avait une fâcheuse tendance à reprendre pour son compte ce que le dernier disait.

Elle n’avait pas vraiment d’idées propres, et refusait d’affronter celles des autres au risque de les contredire. Il est plus simple disait-elle « d’être dans le vent », suivant toutes les modes qui passent.

Mais la mode, c’est ce qui sera démodé, pensa Zakou. Et être dans le vent… c’est le propre des feuilles mortes ! Dans toutes les discussions, Bis ne faisait que répéter avec insouciance ce que les autres affirmaient devant elle.

Quand à Bof le crapaud, il n’avait pas plus d’avis que d’envies. Répondant toujours « Bof, peu importe », il n’était motivé que pour paresser, et en faire le moins possible.

Zakou répéta le conseil que Philothée en partant lui avait donné  : ne pas ramener trop de provisions à la fois, de peur qu’il ne se rappelle plus où les ranger et qu’elles pourrissent. « N’oublie pas : pas plus que 3 ou 4 graines ! »

L’écureuil accompagne donc les trois compères qui s’en vont ainsi au bord de l’eau, tandis que Bis ne cesse de répéter « Pas plus que 3 ou 4 graines. N’oublie pas : pas plus que 3 ou 4 graines ! »

Or ils passèrent devant un aulne.
Là ! Qu’est-ce que c’est ? On dirait du sang sur ce bois rouge…

« Non, c’est sa sève qui rougit au contact de l’air, dit Bof. Je connais bien cet arbre dont les racines plongent jusqu’à l’eau. Il s’associe avec un champignon pour récupérer l’azote de l’air. L’aulne est le seul feuillu à produire des fruits semblables à de petites pommes de pin. »

Et Bis était toujours là à répéter « pas plus que 3 ou 4 graines ! »

« L’arbre n’est pas content de ce que tu dis, repris Bof. C’est peut-être pour cela que l’aulne est rouge de colère ? »

« Comment cela ? Les arbres ne parlent pas notre langage. Tu comprends ce qu’il disent ? »

« Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas de langue comme nous qu’ils ne peuvent pas communiquer, dit le crapaud.

Quand par exemple un coléoptère aux ailes métallisées (du nom de galéruque) ravage ses feuilles, cet arbre est capable de lancer un message d’alerte.

Il émet des substances aériennes pour avertir les aulnes des alentours. Comme cela les arbres voisins ont le temps d’enclencher un processus bio-chimique de sécrétion de toxines destinées à repousser ce coléoptère. Comme quoi, même les végétaux peuvent parler entre eux !»

«Et là, à ton avis, qu’est-ce qu’il dit pour être aussi rouge ?» demanda l’écureuil.

« Il doit se dire : cette grenouille prétend que je ne dois avoir que 3 ou 4 graines ! Malheureuse, vous devriez répéter plutôt qu’il faut qu’il y en ait plein le sol … »

Bis se mit aussitôt à dire « il faut qu’il y en ait plein le sol ». Zakou, Bof et Quolibet s’en allèrent tout trois, avec Bis suivant toujours ce que le dernier disait, qui répétait maintenant « il faut qu’il y en ait plein le sol… »

Or en s’approchant de l’étang ils entendirent partout un drôle de bruit faisant “Triririririririr”… C’était des grillons taupes (des Courtilières) qui creusaient sous la vase avec leurs pattes comme des pelleteuses.

Et Bis répétait toujours « il faut qu’il y en ait plein le sol… »

« Plein le sol ?… s’exclama une Bof indigné. Vous plaisantez ? C’est ici notre domaine, pas celui des grillons. Bis devrait dire plutôt que ce sont les batraciens qui doivent s’y multiplier. « Il faut qu’il y en ait partout, plein l’étang ».

La grenouille se mit alors à dire et répéter « Il faut qu’il y en ait plein l’étang »…

Mais sur le bord de celui-ci, à côté d’eux, une demoiselle Onate bien triste pleurait la mort d’un éphémère. C’est beau une libellule. Mais ce genre d’insectes ne vit pas longtemps hors de l’eau.

La rainette, qui disait toujours ce qu’on lui avait dit en dernier, répétait encore « Il faut qu’il y en ait plein la mare » alors qu’il s’agissait d’un cadavre.

La Demoiselle indignée la reprit : « La vie est tellement courte pour ces éphémères, et ils sont morts si vite… Dites plutôt « qu’ils soient sains et saufs !»

Alors pour ne pas la contrarier davantage, Bis changea encore de refrain et se mit à dire plutôt « qu’ils soient sains et saufs».

Mais un oiseau qui était à côté failli s’étouffer en entendant cela. Il s’agissait d’un Martin-pécheur qui tenait dans son bec la queue un poisson, tandis que Bis répétait « qu’il soit sain et sauf… qu’il soit sain et sauf ! »

Martin s’offusqua de ce qu’on veuille priver ses petits de la pêche qu’il leur apportait « Dites plutôt à cette petite truite qu’il faut « qu’elle meure tout de suite », pour qu’on puisse l’avaler tranquillement. Elle ne souffrira plus, et puis elle doit servir à nourrir mes 7 petits oisillons.  Mes 7 nains attendent à manger dans le creux de la rive sableuse.»

Zakou, Bof et Quolibet entendirent alors le nouveau refrain de Bis qui changeait tout le temps d’avis. La petite grenouille répétait maintenant : « il faut qu’elle meure tout de suite… qu’elle meure tout de suite !».

Mais cela indigna alors un couple de libellules qui venait de se marier, en formant un beau cœur avec leur long abdomen. « Comment cela « qu’elle meure tout de suite ? Vous osez faire un tel souhait devant la mariée ?  Dites plutôt : « qu’elles soient toutes belles comme elle ! »

Bis, qui continuait toujours à suivre ce que le dernier disait (comme vous l’avez remarqué), s’en alla donc en répétant « qu’elles soient toutes belles comme elle ! »

Et pour finir ils tombèrent sur une pauvre tortue, à la carapace trouée qui se trouvait bien moche. Et la tortue se lamenta encore plus, en croyant qu’on se moquait d’elle.

Bof déclara : « Mais tais-toi donc un peu, Bis. Tu nous fatigues à dire n’importe quoi. »

«C’est vrai, dit le Lézard Arrêtons-nous ici et profitons-en plutôt pour faire comme Hermann la tortue. Elle reste ici en plein soleil sans rien faire, des heures durant. Cela me va tout à fait comme programme jusqu’à la fin de la journée. Je suis fatigué de ces rencontres de tant de gens qui nous contredisent».

Pour le crapaud, pas question de rester en plein soleil. Il replongea dans la vase humide de l’étang à côté.

Zakou, quant à lui, préféra laisser entre eux ces faux amis, et rejoindre une branche d’arbre non loin de là. Il n’aimait pas rester sans rien faire.

« Tu devrais profiter de la vie et du soleil comme nous, lui lança le lézard. Quand on ne fait rien, on ne fait pas de mal ? Assez de ces interdits vieillots qui remontent au temps de nos parents… Moi je dis : vive la paresse !.. N’est-ce pas, Bis ?»

Bis la rainette se mit à répéter « Moi je dis : vive la paresse ! »

 

voir ensuite
fleur R313 La couleuvre Coronelle s’approche.

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