fleur 0✿13

(voir avant la fleur 0✿12 : le moustique zozotant)

Histoire de l’enfance / 010

✔ fleur 0✿13 : Philothée bonne observatrice

Un jour qu’il avait caché un champignon dans un trou d’arbre, pour s’en délecter plus tard, il ne le trouva plus. Aussitôt il se mit à soupçonner puis accuser son frère Fouquet de lui avoir volé et mangé.

« Non ce n’est pas moi, c’est elle : ce doit être notre sœur Talitha qui est très gourmande ! »

L’écureuil était bien en peine de pouvoir prouver cela (ou bien le contraire), et la dispute dura jusqu’à ce qu’une petite avette passe par là. Les abeilles ont une vie sociale exigeante et sont réputées facilement amies de tous.

« Nous sommes du même sang toi et moi, petit frère. Cessez cette dispute stérile et allons plutôt porter ce différent devant la sage chouette Philothée, elle sera bon juge… »

Cette forêt était en effet surveillée par une chouette très âgée et très sage. Elle était si âgée qu’elle se sentait parfois bien fatiguée de surveiller ainsi tout ce qui s’y passait… Mais elle était si sage qu’elle ne voulait pas laisser son poste d’observation à n’importe qui !

Zakou fit ainsi connaissance au clair de lune avec Nyctale de Tengmalm, la sage et noble Philothée.

« Comme disait mon aïeul Bubo…  déclara la chouette “plus on prend de la hauteur, et plus on voit loin”. »

« Alors vous avez pu voir celui qui a dérobé ma réserve de nourriture dans le trou du hêtre ? » demanda Zakou. Il avait remarqué que les chouettes peuvent faire pivoter leur tête jusqu’à regarder presque en arrière ; elles sont ainsi capables de surveiller n’importe quelle direction.

« J’apprécie moi aussi, dit Philothée, ces loges creusées par le Pic noir où tu as mis tes champignons en réserve. Et j’y fais également des stocks de nourriture pour l’hiver. Mais ne sais tu pas qu’il y repasse quelque fois ? Moi je peux te dire que ce n’est pas la peine de te disputer pour cela avec ton frère. »

« Alors quelle est la clé de cette mystérieuse disparition ? demanda l’écureuil. Vous qui êtes voyante, même dans l’obscurité… »

« Certains mystères ne sont pas obscurs, mais aveuglent nos yeux comme en plein le soleil » répondit la chouette.

« J’ai vu un mulot visiter ces trous du hêtre et voler ta réserve. Mais il est maintenant mon prisonnier. Il est tombé dans le piège de sa gourmandise. »

« Et comment avez-vous fait pour le coincer, ce voleur ? »

« Il s’est coincé lui-même, expliqua Philothée. Dans la dernière loge où il ne peut plus sortir, il y avait tellement à manger… qu’il est devenu trop gros pour repasser le trou par où il était entré ! »

« Alors c’est bon pour vous aussi, la chouette… plus besoin de voyager sur des dizaines de kilomètres pour chercher des mulots ! » fit remarquer l’écureuil.

« Le mulot en sera peut-être quitte pour un bon jeûne. On verra bien plus tard. De toute façon, moi j’aime voyager. As-tu déjà été au-delà de l’horizon ? » dit la petite chouette Tengmalm.

« Ah… l’horizon… dit en Zakou soupirant. Là où la terre touche enfin le ciel. Comme j’aimerai pouvoir m’envoler pour aller au-delà ! Cette ligne semble reculer, au fur et à mesure qu’on progresse vers elle. »

« En effet, remarqua Philothée, l’horizon c’est la terre qui atteint enfin le ciel. Mais aller vers cet idéal entraîne chaque jour plus loin. Si tu poursuis ta quête à travers la forêt, tu découvriras bien des secrets sur la piste de ce mystérieux Royaume »

Zakou était curieux d’en savoir plus, et se promit de persévérer dans cette voie. La sagesse de Philothée en faisait naturellement une amie, comme la petite abeille, et il se dit qu’il reviendrait la voir souvent.

« J’aimerai être comme ces grands oiseaux migrateurs qu’on voit passer très haut dans le ciel, songeait l’écureuil.  Comme ces oies qu’on entend passer et volent en formant un grand V».

« Oh il n’y a pas que ces grands oiseaux à connaître les pays lointains. Il y a aussi des passereaux et des papillons qui y migrent. Même mon cousin le petit duc est un hibou migrateur, lui qui ne mange presque que des insectes.

Il m’a d’ailleurs rapporté aussi de drôles d’histoires qu’on lui avait racontées, avec certains animaux rencontrés dans des contrées lointaines.

Savais-tu qu’il y a des oiseaux qui arrivent à coudre ? Certaines fauvettes couturières se servent de leur bec comme une aiguille, pour coudre leur nid avec de larges feuilles. Elles percent de petits trous au bord, et puis y passent des fils de soie d’araignée pour les réunir.

Elles tapissent ensuite l’intérieur de ce nid avec un doux et chaud mélange, fait de laine de mouton et de poils d’animaux et de végétaux.

Il existe de même des fourmis tisserandes ! Celles-ci renforcent les murs de leur maison en promenant de jeunes larves entre des feuilles que d’autres fourmis maintiennent en place. Ces larves produisaient des milliers de fils de soie qui retiennent ainsi les murs ! »

Zakou écoutait toutes ces histoires incroyables d’animaux lointains, et cela lui donnait de plus en plus envie de partir explorer le vaste monde.

« Est-ce bien vous, Philothée la chouette, qu’on entend certains soirs au fond la forêt ? »

« La famille des rapaces nocturnes a différents cris, répondit elle.

Cela peut-être une Hulotte avec son mari qui renouvelle sa parade amoureuse chaque automne. On entend alors le chant caractéristique du mâle en octobre (et puis aussi début mars), avec le « Kuwit » de la femelle hulotte.

Ou bien, as-tu vu peut-être la “Dame Blanche” qui vole lentement et silencieusement ? C’est ma cousine la Chouette effraie, avec son masque facial en forme de cœur. Un masque blanc caractéristique qui joue le rôle de parabole amplificatrice pour notre ouïe très sensible.

Si le vol de l’Effraie est si silencieux, c’est grâce à de petits filaments à la surface des plumes, qui atténuent le bruit des battements d’ailes. La surface veloutée des plumes amortit ses vibrations dans l’air.

La Dame blanche habite au même endroit, avec le même mari toute la vie. Elle a une bonne mémoire des lieux, mais les chouettes effraies n’ont pas vraiment de nid.

Elles restent immobiles de jour sur les branches, préférant sortir quand il fait noir. Notre rétine, nous les rapaces nocturnes, est riche en « cellules à bâtonnets », capables de voir dans la très faible luminosité de la nuit.

Mais cela n’empêche pas les chouettes de voir très bien aussi le jour. Contrairement à ce qu’on imagine, elles peuvent même regarder le soleil en face sans la moindre gêne.

Par contre, dans la journée, si les passereaux victimes des chasses nocturnes de hiboux ou de chouettes viennent à en découvrir au repos, ils les harcèlent sans pitié par des va-et-vient et des cris. »

« Et comment on reconnaît si on a affaire à un hibou ou à une chouette ? » demanda le petit écureuil qui aimait apprendre à reconnaître les animaux.

« Regarde les petites plumes sur le dessus de la tête, ce ne sont pas des oreilles ! Les hiboux ont ces aigrettes alors que les chouettes n’en possèdent pas.

Nos oreilles sont de simples petits trous qui ne sont pas situées au même niveau de la tête.

Du coup, l’une étant plus haute que l’autre, ce très léger décalage renforce la perception des sons et des distances. »

 

voir ensuite

fleur 014 le secret de l’air par ceux qui savent voler.

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