Jeanne d’Arc, incarnation du chef

Elle fut l’admirable cheftaine – l’incarnation du chef. Comment et pourquoi cette Pucelle a-t-elle réveillé un roi veule et une France endormie ?
Parce qu’elle était jeune.
On admire les vieux chefs […] mais on suit les jeunes, car ce qui entraîne ce qui enthousiasme, c’est précisément le contraste entre l’âge et le rang, entre l’expérience si courte et la responsabilité si grande – entre le visage presque adolescent encore, et la maturité du caractère qui, en méritant le commandement, confère l’autorité. La Rochejacquelein, chef à 20 ans, Marceau, Bonaparte, généraux à 26, et tout près de nous Guynemer, capitaine à 22, étaient de cette race – de cette race dont impérieusement, vous, fils et frères chefs, vous devez être.
Et c’est pourquoi nous n’avons pas tort, nous auteurs d’un mouvement de jeunes, de vouloir qu’il soit dirigé par des jeunes. Il est entendu qu’à 21 ans vous ne serez pas des chefs consommés et “qui n’avez plus rien à apprendre”; mais si à 21 ans vous n’avez pas une âme de chef, vous ne l’aurez ni à 30 ni à 40. Reste qu’on peut se former. À quoi la première condition est précisément de demeurer jeune. Et c’est votre devoir fussiez-vous commissaire à cheveux gris.

Père Jacques Sevin, mars 1929, le Chef, N° 61, p 99.

Il était une fois une cheftaine :

Cheftaine, il y a cinq cents ans que ce mot, ce même mot a été dit d’une petite fille de France par la vieille Christine de Pisan – et à la fin de ce mois il y aura cinq cents ans que sur un échafaud de Rouen se termina en ce monde l’histoire de la première cheftaine de France.
En ce mois de Notre-Dame qui est bien aussi son mois à elle, Jehanne, puisque tous les grands événements de sa vie s’y sont passés, il me semble que c’est à vous, cheftaines de France, ses sœurs, que je dois dédier ces idées de mai 1931. Car Jeanne est vôtre assurément. […] Lorsque, le 23 février 1429, quittant Vaucouleurs par la porte de France,
La Pucelle partit d’un trot lourd et brutal
Avec la France et le bon Dieu sur son cheval
Qu’avait-elle à faire, cette petite paysanne de dix-sept ans, plus jeune que la plus jeune cheftaine ? Rendre cœur à la France, pas moins. Lui rendre, lui donner plutôt son unité, qui la délivrerait de l’étranger. Et pour cela, il fallait la refaire jeune, allante, espérante, croyante à elle-même et à son avenir.
C’est toujours de l’actualité.
La génération qui monte, c’est vous qui la faites, depuis bientôt dix ans qu’il y a des cheftaines, et que nos premiers louveteaux deviennent commissaires. Et si cela ne marque guère, faute du nombre, si nous ne comptons encore que quelques milliers de louveteaux, et quelques centaines de cheftaines, c’est parce que beaucoup d’autres jeunes filles de chez nous dansent trop de tangos au son du jazz et que cela les empêche d’entendre l’appel du gosse. Mais l’appel n’en est pas moins impérieux, et ils ne sont pas moins nombreux, ceux qui vous attendent, vous et vos sœurs, et dont les âmes réclament autre chose que des demi-dévouements. Or, pour faire de cette génération tout ce qu’elle doit être, pour la préserver de l’anarchie morale et intellectuelle qui assiège notre vieille Europe et menace d’ébranler l’univers, il faut que vous croyiez d’abord, tout comme Jeanne, à votre mission. Elle n’est pas plus invraisemblable, elle n’est pas plus difficile, et après tout, vous n’êtes pas toutes seules.
Croire à sa mission de cheftaine, c’est d’abord la considérer non pas comme un sport […] , ni comme une distraction apostolique […] , mais la considérer comme une mission. ” J’ai été envoyée de par Dieu, de par tous les benoîts saints et saintes du Paradis ”
Donc, et ceci est à la base de tout, vous êtes investies d’un rôle surnaturel. Vous êtes envoyées parce que vous avez été appelées, mais aussi parce que vous vous êtes offertes, donc données, et plaise à Dieu que le don soit sans repentance !
Un bonne cheftaine ne réussit pas partout, ni toujours, ni avec tous ses louveteaux […] . Alors, c’est parfois l’envie folle de tout lâcher […] : j’ai été bien folle de sacrifier mes plus belles années pour de tels résultats. Vivement, rattrapons-nous et faisons comme les autres.
L’échec de Jeanne a été autrement tragique. Or, […] le jour venu de l’infâme bûcher elle ne renia pas ses voix divines : ” Mes voix étaient bonnes, mes voix étaient de Dieu, mes voix ne m’ont point trompées “. Jusque sur l’échafaud, elle croyait encore à sa Mission, et elle avait raison, car le sacrifice suprême en était la consécration et le couronnement.
… Et je vous jure bien, moi, qu’à votre dernier jour, vous pourrez dire des voix qui vous ont poussées à vous dévouer et à vous donner – tout entières, s’il le faut – au service du Christ en vos garçons – que ces voix aussi étaient bonnes, qu’elles venaient de Dieu, et qu’elles ne vous ont point trompées.

Père Jacques Sevin, 15 mai 1931, Le Chef N° 83.

Print Friendly, PDF & Email