Textes de spiritualité du Père Marcel Forestier

Père Marcel Forestier, 2ème Aumônier général de 1936 à 1955.
À la fin de la grande guerre, qu’il a faite comme mobilisé, il se lie d’une amitié solide avec le père Doncœur, fondée sur leurs préoccupations communes à l’égard de la jeunesse. Tous deux sont hantés par le désir que le sacrifice des morts de cette guerre ne soit pas vain. À la mort du chanoine Cornette, il lui succède – selon le désir clairement exprimé de ce dernier. Il sera le second aumônier général des Scouts de France pendant près de vingt ans. Son ouvrage majeur est sans conteste Une route de liberté – le scoutisme, qui paraît en 1952 aux Presses d’Île-de-France, en voici quelques extraits.

Existe-t-il une spiritualité scoute ?

Extraits de Une route de liberté – le scoutisme :

Ceux qui ont trouvé leur vie spirituelle dans le scoutisme n’en doutent pas. Encore que souvent ils soient embarrassés de la définir. Dès les débuts du mouvement, il arrivait que le mot fût spontanément prononcé par de jeunes chefs. Mais, à l’air que prenaient certains théologiens derrière leurs sévères lunettes, ils comprenaient que ce n’était pas convenable (p 287).
Aucune éducation ne peut se passer d’ascèse. L’ascèse, inséparable de toute spiritualité, le scoutisme la pratique à sa manière, sans employer le mot qui serait d’ailleurs rébarbatif pour des jeunes. Ce sera, par exemple, la frugalité et la pauvreté du camp, les durs efforts de la marche par les intempéries, le coucher sur la dure, la vie commune et les multiples occasions de charité concrète qu’elle comporte. Ce sera l’abstention du tabac et de l’alcool au camp. Ce sera la soumission au bien commun, l’obéissance à une règle et à des chefs (p 294).
Aux chefs élèves du camp-école de Chamarande, le père Sevin aimait à parler de la petite voie de sainte Thérèse de Lisieux. Il faisait remarquer qu’elle convient aux chefs, dans une méthode d’éducation qui demande de se rendre semblable aux enfants que l’on prétend élever. Prendre le pas des garçons, les respecter, ne pas imposer sa personnalité, s’effacer devant Dieu, c’est par là que l’humilité fait son apparition dans le monde des chefs (p 295).
Le don de soi le plus habituel pour les chefs est de se consacrer à l’éducation des garçons, de partager leur vie. C’est un apostolat, un désir de faire quelque chose pour que leur vie soit plus heureuse ; mais surtout pour leur faire connaître et aimer Jésus-Christ. Le père Sevin, mestre de camp de Chamarande, évoquait avec émotion la séduction de cette tâche et le centuple réservé à ceux qui ont entendu “l’appel du gosse” (p 297).

Extraits de M. D. Forestier. Scoutisme missionnaire. Le chef témoin du Christ. Presses d’Ile de France, 1955

Chefs et cheftaines, chaque garçon (ou fille) qui vous arrive, c’est Dieu qui vous envoie. Ou mieux, qui vous ” missionne “, qui vous envoie à eux. Le Seigneur est le Dieu qui les guette à chaque détour de leur croissance pour établir son règne en eux ; il vous poste auprès d’eux comme ceux qui montrent le chemin qui va vers Lui, et qui encouragent le marcheur sur la route infinie. Soyez dans la joie d’avoir été choisis par le Seigneur, pour être les autres Christs, les Messies, les apôtres de vos frères (pp 32-33).
As-tu songé, quand tu as pris la direction de ta troupe, que c’était Dieu qui t’appelait et te confiait ces garçons. Pour que tu les enthousiasmes certes mais surtout pour que tu les aides à devenir des hommes et des fils de Dieu (id., p 35).
T’arrive-t-il de songer souvent à leur avenir ? Trembles-tu comme le Bon Pasteur à l’idée des risques que leur persévérance dans la foi au Christ va courir à leur entrée dans l’adolescence ? Es-tu soucieux de leur avenir professionnel, du pain qu’ils mangeront ? (id, p 36).
Dès que tu les auras pris ainsi en charge – et c’est une grâce qu’il te faut demander souvent dans la prière – ta vitalité se multipliera, ce que tu ne sais pas tu t’en informeras, ton ingéniosité à te renseigner, à te cultiver pour pouvoir aider tes scouts deviendra agile et grande (id, p 37).
C’est notre poids d’amour qui pèse sur la destinée de ceux que Dieu nous confie. L’amour surnaturel versé en nos cœurs par Dieu même, nous fait adopter l’avenir de nos garçons et nous donne de grandes lumières pour les aider à devenir. Cela suppose naturellement que nous soyons nous-mêmes des vivants, que nous ayons une vie intérieure, que nous cherchions à correspondre à la vocation propre qui est nôtre, et à diriger notre destin. (sinon) il est impensable qu’au moment voulu, au jaillissement de la circonstance, nous ayons cette réponse de l’amour qui éclaire et bouleverse et engendre parfois toute une vie. Consacrez-moi, disait Jésus à son Père, c’est-à-dire sanctifiez-moi pour ceux que vous m’avez confiés. C’est une admirable prière qui souvent devrait monter à nos lèvres. Et puis … n’oublie pas qu’il y a la Sainte Vierge (id, p38)
Je voudrais que pour chacun d’entre nous, toute femme soit l’incarnation de l’amour de Dieu contemplé dans les yeux si purs et si chargés de tendresse de sa mère et de ses sœurs Et je voudrais, chères filles, que vous sachiez voir en ces garçons les frères du Christ, ceux que vous devez aider à grandir et à se donner, sans jamais les retenir ou les avilir au nom de votre égoïsme ou de votre plaisir. Si notre charité a cette qualité, si nous sommes anxieux de répandre autour de nous cette joie que nous trouvons en nous, eh bien ! je vous l’affirme, notre fraternité scoute sera une des choses les plus actuelles et les plus efficaces pour le salut du monde.
” Voyez comme ils s’aiment “. Telle doit être notre fraternité scoute, puissante à nous lier, ouverte à tous, faisant de nous les ” frères universels ” (selon l’expression du Père Charles de Foucauld) dans l’amour des autres. (id, p 49)
Votre risque, chefs, est de vous enfermer dans vos techniques, et de perdre de vue la finalité chrétienne de votre action éducative (p 81).
Plus l’accent est mis sur la qualité des activités, plus votre méditation doit se porter sur le pourquoi de votre action (p 82).
Le secret de cette fidélité à notre but est d’accroître votre intimité avec Dieu, et de chercher à comprendre le désir qu’a manifesté le Seigneur d’être reconnu, grâce à vous, d’un grand nombre de garçons qui l’ignorent (… ) Vous ne pourrez entretenir en vous cette nostalgie du Royaume de Dieu, qu’en réalisant entre chefs du groupe, ou de la ville, et autour de votre prêtre, une équipe de recherche spirituelle et d’approfondissement de votre vie surnaturelle (p 82).
Aujourd’hui tous les milieux sont touchés par le monde ” moderne “, tranquillement matérialiste et foncièrement athée. Aujourd’hui nous ne pouvons plus compter sur les structures sociales chrétiennes qui faisaient pression en faveur de la foi (p 130).
Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie ” (Jean 20, 20), ” baptisez-les ” (Mat 28, 16) . (p 131) ” C’est pourquoi nous demandons avec insistance aux chefs de prendre en charge la formation religieuse de leurs garçons, surtout lorsque l’aumônier, surchargé d’autres besognes, ne peut donner que peu de temps et doit se limiter aux réunions de maîtrises. (p 133)
Il semble bien que le grand signe qui doive accréditer la Parole du Christ, dans notre monde divisé mais avide d’unité, soit l’existence de communautés chrétiennes véritablement fraternelles, animées par un amour venu d’au-delà des hommes. Vos groupes peuvent en donner l’expérience première, le goût et la nostalgie. (p 136)
La question est de savoir quelle part les chefs peuvent y prendre. Les chefs doivent faire vivre leurs unités dans un esprit de fraternité, de service, de communion, de pauvreté, de joie. Par ses entretiens personnels, par ses réponses aux questions, par les thèmes des veillées, par l’aplanissement du chemin de l’aumônier vers les garçons, le chef peut jouer un très grand rôle.  (p 138)
Il ne s’agit pas tant d’enseignement magistral, mais de la communauté qu’il crée, de l’esprit dont il est animé lui-même : cela suppose qu’il en vive. L’unité qu’il inspire sera à son image. (p 139)
Notre raison d’être est l’éducation humaine, chrétienne et apostolique : nous préparons les ouvriers de demain. C’est d’une plénitude de la vie intérieure, comme d’un trop-plein, que doit découler le besoin de porter aux autres la lumière de la foi, la joie d’être connu et aimé de Dieu.(p 140)

Par la ressemblance recherchée avec les enfants, par le renoncement aux airs de supériorité que les adultes prennent si facilement devant les plus jeunes, par la pratique des humbles services, n’est-elle pas une petite voie ?

Père Forestier. “Spiritualité des Scouts de France”, dans Scoutisme, méthode et spiritualité, Cerf, avril 1940, pp 115-116.

La spiritualité scoute existe-t-elle? Ceux qui ont été scouts, qui ont vécu du scoutisme, n’en doutent pas;

Père Forestier. “Spiritualité des Scouts de France”, dans Scoutisme, méthode et spiritualité. ColI. Chrétienté n° 4. Cerf, avril 1940, p 108.

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