Les réponses aux accusations de naturalisme

Ces accusations se situent à deux niveaux . Premièrement, le naturalisme consiste à demeurer au niveau purement terrestre , sans comprendre la nature spirituelle de l’homme, fait pour l’éternité. C’est nier que la surnature est le prolongement normal de l’effort naturel, qu’elle correspond à un appel de la nature, auquel Dieu répond. Deuxièmement, il s’agit de nier le péché originel , qui empêche l’homme de réaliser sa propre nature sans l’aide de la Grâce divine. C’est donc sur ces deux plans que les SdF doivent se défendre. Evidemment, il n’est pas besoin de démontrer qu’il est absurde d’assimiler vie dans les bois et naturisme, même si cette confusion a déjà été faite ! On retrouvera effectivement la distinction entre vie sauvage et vie dans la nature. Certains ont montré que BP voyait plus loin que les simples vues terrestres, et recueilli dans ses écrits quelques citations qui font du salut éternel le but du scoutisme anglais . De notre côté, nous nous attacherons uniquement à ce qu’en ont fait les SdF. Pour commencer, ils reconnaissent que tout provient de Dieu. “Nous ne sommes rien et nous ne possédons rien par nous-mêmes, mais nous avons reçu de Dieu tout ce qui en nous a quelque prix” (Mgr. Lavarenne, La prière des chefs, coll° “La vie intérieure pour notre temps”, Bloud et Gay, 1937).

Et puisque la nature corrompue a été rachetée de sa déchéance par l’Incarnation, il faut dépasser la morale de l’Ancien Testament, magnifiée par le Nouveau. Or le scoutisme y contribue. “Depuis que Notre Seigneur Jésus Christ a vécu sur la terre, notre suprême idéal ne peut plus être simplement l’homme naturellement bon, mais l’homme surnaturellement meilleur , le véritable catholique […] Le scoutisme aide ainsi notre tâche” (Mgr. Tihamér Toth, sermon à Gödöllö, in BdL n°42, nov.1933, p.48). Or l’auteur de ces mots, Mgr. Tihamér Toth, parle bien de la méthode de BP, puisque, Hongrois, il ne connaît pas spécialement les SdF. L’esprit scout à lui seul élève déjà au dessus d’une simple formation à la débrouillardise, et, même si l’idéal du scout anglais s’incarne dans le pionnier colonial, le côté technique du scoutisme reste accessoire par rapport à sa morale. “Etre vivant, le scoutisme est d’abord une âme : une loi, une promesse, sans l’observation desquelles tous les brevet du monde ne feront jamais un scout” (Père Sevin, s.j., Pour penser scoutement, Spes, Paris, 1934).

Mais les exigences vont plus loin, chez les SdF, et on ne peut l’accuser de se transformer en religion de l’honneur. En effet, le scout ne s’engage pas à être chrétien par honneur, ce qui enlèverait toute portée spirituelle à ses efforts, puisque leur intention resterait mondaine, mais il s’engage sur l’honneur à vivre chrétiennement, ce qui appuie sa promesse scoute sur l’honneur sans conditionner sa vie spirituelle. “La religion de l’honneur n’est pas la religion des scouts. Elle est l’invention de ceux qui, hors d’Angleterre, ont décapité le scoutisme en rayant de la promesse sa phrase si simplement chrétienne : <> ” (C. Lenoir, Le scoutisme français, Payot, Paris, 1937, p.86). (paroles de la promesse anglaise) .

Et, alors que certaines déviations prônent une vie sauvage, à la manière du rousseauisme, BP intervient pour dénoncer une déformation de sa pédagogie. Le père Sevin met alors en garde les SdF, dès leur fondation, contre le peau-rougisme, qui prend les Indiens sauvages comme modèles. “Le peau-rougisme est l’abus de l’école de plein air. Ses partisans tiennent qu’il n’en est que le développement logique. Logique, non pas, mais abusif certainement […] C’est tout un rituel minutieux, compliqué, astreignant […], absurde, si l’on prétend l’imposer sérieusement et en faire le pivot d’une formation morale -mais qui est bien autre chose qu’absurde, malsain- car ce qu’il respire, quoi qu’en dise son propagateur (White Fox, alias John Hargrave ), c’est le maçonnisme et le naturalisme, et un naturalisme qui aboutit à la théosophie souvent, en tout cas au panthéisme le plus complet” (Père Sevin, s.j., Le Scoutisme, Spes, Paris, 1922, p.136 et 135). John Hargrave est exclu du Bureau international en 1921, pour “disloyalty to the Movement”. Et le père Sevin explique bien que cette tendance pernicieuse ne s’inscrit pas de la suite logique du campement dans la nature, mais qu’il s’agit bien d’une déviation. Effectivement, BP ne condamne pas la civilisation comme corruptrice, ce qui contredirait son idéologie colonialiste, mais prône la vie des bois pour apprendre au garçon le sens de l’effort et du concret , qui l’aidera à mieux vivre dans la civilisation. C’est pourquoi il sous-titre son ouvrage Scouting for boys , “handbook of instruction in good citizenships through woodcraft “, c’est-à-dire formation de bons citoyens au moyen de la science des bois .

Car le camp s’avère physiquement et moralement éprouvant, parce que les constructions ou les marches nécessitent de la force, et que les aléas du climat et de la nature exigent un moral à toute épreuve. Cet effort permanent sur soi contredit sans cesse les instincts, contrairement à la vie sauvage rousseauiste. “L’effort ne saurait être indifférent puisqu’il est de loi divine : tu gagneras ton pain à la sueur de ton visage, tu enfanteras dans la douleur” (Croc Blanc (totem), in Le Chef de déc.1935, p.839). La vie de camp devient ainsi sanctifiante, non pas seulement par l’observance de la loi scoute, mais en elle-même. “Seigneur Jésus […] , pendant toutes vos courses évangéliques, Vous n’aviez pas même où reposer la tête. […] . Il doit y avoir un enseignement moral et un profit à tirer de la vie de campement, puisque Vous avez voulu la pratiquer. […] . Au milieu des préoccupations les plus banales, et de la bonne humeur la plus franche, je resterai au-dessus des autres par l’âme élevée que j’apporterai, sans en avoir l’air, à toutes mes actions” (Abbé Richaud, Veillées de prière, Téqui, Paris, 1928, 4e édition, p.46 et 54). Le scoutisme entraîne donc de lui- même au- dessus de la seule nature et contribue nettement à élever l’âme.

De plus, les SdF placent Dieu au fondement et à la fin de leur scoutisme, comme cause efficiente et cause finale , pour reprendre le vocabulaire thomiste. “Tous nos exercices, nos travaux nos jeux, nos chants, nos sorties, nos camps, tout doit concourir, de près ou de loin, directement ou indirectement, à la gloire du Maître Souverain, et à l’extension de son règne” (Mgr. Lavarenne, La prière des chefs, coll° “La vie intérieure pour notre temps”, Bloud et Gay, 1937, p.168). “C’est justement parce que nous sommes catholiques que notre scoutisme est le seul authentique, véritable et complet ! […] . Quant à ce qui fait l’âme du scoutisme , c’est-à-dire sa loi, c’est encore la religion qui nous donne les meilleures raisons, les seules définitives, de la pratiquer, à savoir les raisons surnaturelles” (Père Sevin, in Le Chef n°70, févr.1930, p.53). L’explication même du terme d’éclaireur rappelle au scout que, sans Dieu, il n’est rien. “Nous ne sommes pas la lumière, nous, nous n’éclairons les autres que dans la mesure où nous sommes votre reflet” (Abbé de Grangeneuve, Notre promesse, La Hutte, Paris, 1932, p.37).

Et la formation du caractère, si importante dans le scoutisme, ne développe pas la personnalité sur un plan naturel qui s’opposerait à la soumission à Dieu. Au contraire, les deux sont liées. “Je Vous consacre ma volonté, qui sera énergique, loyale, soumise… Je n’oublierai pas que le moyen de la fortifier, c’est de la briser… pour accomplir en toutes choses votre volonté à Vous, ô mon Dieu, et celle de vos représentants” (Abbé Richaud, op.cit., p.5). “Dans le scoutisme, l’élément fondamental de la formation du caractère est l’élément religieux. Catholiques, nous ne concevons pas d’éducation morale sans religion, qui est à la fois pour nous la base et le but; car nous ne croyons pas qu’on puisse avoir des hommes complets sans l’essentiel” (Ce qu’est le scoutisme, brochure des “troupes du Cardinal”, éditions des SdF, 1925). De même, la sagesse ne s’entend pas dans le sens de raisonnable, trop terrestre, trop humain, trop calculateur. L’ordre scout, “c’est encore […] la sagesse prévoyante, tempérante, au grand sens théologique du mot, qui ne prodigue rien, ne gaspille rien, car elle n’est que la gestionnaire et l’intendante des biens de Dieu” (Père Sevin, Pour penser scoutement, op.cit.).

En fait, grand principe catholique, les SdF refusent de séparer la morale de la religion , et condamne des mœurs qui, en accord avec les préceptes catholiques en apparence, ne sont pas motivées par l’amour de Dieu. L’abbé Joly explique longuement, dans Le Chef, en quoi le scoutisme ne tombe pas dans le travers de séparer morale et religion. “Sentons- nous jusqu’où nous portent les courants qui entraînent notre époque? Sentez-vous que tous ces mouvements d’eau, air, soleil, qui s’appellent nudisme, sports d’hiver, urbanisme… sont infiniment plus qu’un effort pour la santé des corps; c’est un immense effort de santé morale qui s’opère dans le monde, indépendamment de Dieu […] Et nous ne savons plus si nous devons nous réjouir d’un immense mouvement qui élève les hommes vers une vie plus belle et plus saine. Ou si nous devons nous alarmer devant l’envahissement d’un paganisme qui a trouvé le moyen de se passer de Dieu […] Quelle différence alors entre les mouvements d’éducation nouvelle et le scoutisme? Une différence totale entre […] Car ils ne tiennent pas compte du péché originel […] L’expérience, aussi bien que notre dogme chrétien, ne nous permettent pas d’accorder à la nature une telle confiance […] Or cet idéal anglais de maîtrise de soi est profondément chrétien car il implique l’idée d’une lutte, d’un désordre intérieur à dominer […] Quand nous disons au louveteau qu’il ne s’écoute pas lui-même, nous insistons déjà sur cette lutte nécessaire contre les tendances mauvaises, sur la mortification qui s’impose […] Ce que nous appelons santé, nous chrétiens, c’est avant tout l’état de Grâce, la vie divine informant, vivifiant, divinisant nos âmes” (Abbé Joly, in Le Chef de mars 1936, p.204-205 et 209-210).

Et les SdF rappellent souvent ce principe de la valeur morale conditionnée par l’intention. La loi scoute est “la loi même du Christ, et nous ne commettrons pas l’erreur de séparer la formation morale de la formation chrétienne” (Mgr. Lavarenne, op.cit., p.130). Car l’une sans l’autre donnerait justement un garçon sain de corps et d’esprit, mais non pas saint. ” Les SdF n’admettent pas de séparation entre leur vie morale de scout et leur pratique religieuse” (Les SdF, principes, statuts, règlement intérieur, Spes, Paris, 1923). Du coup, il faut forcément être catholique pour que la loi scoute vaille la peine d’être vécue. “Les deux aspects sont inséparables chez un SdF parce que l’esprit chrétien est la base naturelle et indispensable d’un esprit véritablement scout” (Abbé Giraud, in BdL.n°45, févr.1934).

Le père Sevin lui-même , farouche défenseur de la pédagogie de BP, et premier à comprendre les bienfaits qu’elle pourrait apporter aux jeunes catholiques, explique que seul le scoutisme catholique ne tombe pas dans le naturalisme. “Œuvre d’éducation, le scoutisme ne peut être adéquat et parfait que s’il est chrétien, c’est-à-dire catholique. Si on le prive de sa base surnaturelle, si on dépouille la loi scoute de ses motifs surnaturels, on tombe dans ce naturalisme pratique que condamne l’Eglise . […] . Au contraire, pratiqué comme il doit l’être, comme il ne peut l’être que chez les catholiques, alors, complément d’éducation, il coopère avec la famille et l’école, sous la direction maternelle de l’Eglise, à produire le vrai et parfait chrétien” (Père Sevin, in Le Chef n°70, févr.1930, p.55). Ce qui n’empêche pas à la méthode, naturellement bonne, de s’appliquer à des non-chrétiens. De même qu’il est possible à des non-baptisés de se marier et de respecter la fidélité et l’indissolubilité, même en dehors du sacrement de l’Eglise. Didier Pirrodon, dans sa maîtrise, explique bien l’action du catholicisme sur le scoutisme. “Comme la Grâce donne à la nature viciée par le péché, toute sa pertinence et sa dimension, le scoutisme a besoin de la Grâce pour devenir lui-même” (Didier Pirrodon, Aspects théologiques du scoutisme à partir des écrits du Père Jacques Sevin, maîtrise de théologie à l’université catholique de Lyon, juin 1992, p.54).

Car Dieu a créé l’homme selon une nature qu’il pouvait épanouir, à l’origine, jusqu’à sa finalité spirituelle. Mais le péché originel a corrompu la création de Dieu, et l’homme doit maintenant recourir perpétuellement à la Grâce pour vivre pleinement selon sa nature. C’est pourquoi les SdF considèrent seul le scoutisme catholique comme viable, parce que seul il offre la possibilité d’observer la morale naturelle résumée dans la loi scoute, qui “postule chez le scout le perpétuel état de Grâce” (Chanoine Cornette, in BdL n°23-24, mars 1932). Et ce n’est pas seulement le progrès de chaque scout, mais l’œuvre globale des SdF qui nécessite l’aide du Ciel. “Notre scoutisme catholique a une grande mission à remplir : il ne pourra l’accomplir qu’avec la Grâce de Dieu” (Abbé Paul Bourdieu, assistant de l’aumônier général, in BdL n°43, déc.1933, p.61). Et s’il est possible d’atteindre une certaine valeur morale par ses propres ressources, elle ne prend de valeur que dans l’optique catholique. ” Un scout qui n’est pas en état de Grâce, qui n’est pas de la Charité, ce n’est plus un SdF” (Père Héret, o.p., in Le Chef de jt-août 1926, p.12). “Quand je posséderais Franchise, Dévouement, Pureté… si je n’ai pas la Charité […] , je ne suis pas un chrétien, un catholique achevé; partant mon scoutisme n’aboutit pas, je ne suis pas un SdF !” (Père Maréchal, o.p., SdF et ordre chrétien, édition de la Revue des jeunes, 1932, p.106-107). De toute façon, même les ressources que l’on peut puiser dans sa nature sont un don de Dieu, créateur de toute chose, et personne ne peut justement se glorifier de sa valeur morale, dont Dieu s’avère finalement seul responsable. Le Christ le rappelle dans les Méditations scoutes : “Tout ce que tu as, tout ce que tu es, tu le dois à qui, sinon à Moi ? N’est-ce pas ma Grâce qui est allée te chercher, bien que tu ne valusses pas grand chose ? […] . C’était une assez grande chose que de faire de toi un véritable scout, et, sans ma Grâce tu ne tiendrais pas ta promesse, et tu n’observerais pas la loi” (Père Sevin, Méditations scoutes sur l’Évangile, tome I, Spes, Paris, 1923, p. 25-26). On a déjà parlé, à ce sujet, du rajout de l’invocation “avec la Grâce de Dieu” dans le texte de la promesse.

Dans l’ensemble, les SdF insistent particulièrement sur la puissance des sacrements , indispensables à la vie de la Grâce, contrairement à tout naturalisme. Déjà, le louveteau doit connaître l’adresse de son aumônier et du curé de sa paroisse, pour pouvoir les prévenir en cas d’urgence, d’extrême onction à administrer et de viatique à apporter. Dès les épreuves d’aspirant, première étape de la progression au niveau éclaireur, le scout doit aussi savoir où aller chercher un prêtre, et même comment baptiser lui-même, le cas échéant. Le père Sevin remarque : “Il est bien clair qu’il y a un abîme au point de vue de l’atmosphère morale entre un camp où l’on communie en semaine et un camp où l’on se contente de la messe dominicale” (Père Sevin, s.j., Le Scoutisme, Spes, Paris, 1922, p.113). Les méditations de veilles d’armes le rappellent. “C’est dans l’union intime de mon âme avec Vous dans la Sainte Communion que je puiserai cette Grâce qui m’est indispensable pour rester fidèle à ma promesse” (Abbé de Grangeneuve, Notre promesse, La Hutte, Paris, 1932, p.29). ” Si je veux vraiment être votre chevalier à travers le monde, il faut d’abord que je sois votre communiant” (Abbé de Grangeneuve, op.cit., p.30). De même, le pouvoir de la prière est exalté. “La prière! secret de notre expansion, cause de nos triomphes, source féconde des vocations” (Chanoine Cornette, in BdL n°50, jt. 1934). Dans le BdL de décembre 1933, le chanoine Cornette demande une heure de prière, en la fête de sainte Geneviève, pour attiser chez les SdF ” la flamme sacrée de cette vie intérieure sans laquelle nous ne serons ni des chevaliers des temps modernes, ni les re bâtisseurs de la Cité de Dieu qu’annonce notre croix potencée” (Chanoine Cornette, in BdL n°43, déc.1933, p.58). Ce même mois, il institue une croisade de prières avec, chaque mois, une intention et des jours de communion.

Cette nécessité de la Grâce montre bien que les SdF, contrairement à certaines accusations, ne nient nullement le péché originel . L’abbé Joly expliquait déjà tout à l’heure qu’il s’agissait de la différence fondamentale entre le scoutisme et d’autres œuvres de morale laïque. Dans la revue destinée aux scouts, on fait remarquer aux garçons : “Il y a, en chacun de vous, un brave garçon, tout plein de bonnes intentions et d’aspirations élevées ; il y a aussi un méchant diable pétri de vanité, de colère, de sensualité, de paresse, etc.” (Père J. Jacobs, s.j., in Le SdF n°11, nov.1923). Ces deux garçons correspondent à la nature corrompue mais sanctifiée par la Grâce. Les chefs ne doivent donc pas compter sur une nature bonne dans leur pédagogie. “Je me souviendrai de cette propension au mal que tous les enfants tiennent de la faute originelle . Pratiquer la formule du <>, ce n’est pas […] laisser à ceux dont on est chargé toute la responsabilité des actes que l’on a mission de diriger” (Abbé Richaud, op.cit., p.90). “De ce petit être irréfléchi capricieux et égoïste, il faut faire un louveteau obéissant, attentif et déjà dévoué” (Ce qu’est le scoutisme, op.cit). Or le scoutisme apparaît justement comme une méthode apte à lutter contre les conséquences du péché originel, par l’effort qu’il exige sans cesse sur nos impulsions instinctives. “L’expérience nous a appris que ces sacrifices (de l’observance de la loi) sont autant de vertus crucifiantes à notre nature, par conséquent autant d’obstacles qu’il faut dépasser” (Prière de la 9e retraite des aumôniers scouts, in BdL n°52, nov.1934). La BA “convient éminemment aux jeunes, êtres inconstants par définition, êtres égoïstes, êtres toujours tentés d’oublier qu’ils forgent leur avenir -bon ou mauvais- de leurs mains et à chaque instant” (Père Maréchal, o.p., SdF et ordre chrétien, éditions de la Revue des Jeunes, 1932, p. 88). Le scoutisme aide donc l’œuvre de la Grâce qui permet de passer d’une nature corrompue par le péché originel à la véritable nature pour laquelle Dieu nous a créés.

Laissons donc le chanoine Bérardier, aumônier scout, conclure. “N’oublions pas que si le scoutisme est en train de créer une sorte d’ordre moral nouveau, il ne supprime pas le péché originel” (Chanoine Bérardier, Ce que nos garçons attendent de nous, 1935, p.22). BP, quant à lui, prétend qu’il y a au moins 5% de bon chez chacun, ce qui ne déborde pas d’optimisme sur la nature humaine! Seulement, il pense que sa pédagogie consiste à transformer ces 5% en 80 à 90% de la personnalité, or les SdF n’espèrent ce succès qu’avec l’aide des sacrements et de la Grâce . “Nous croyons en la nature viciée par le péché originel, mais non irrémédiablement corrompue, puisque relevée, restaurée par la Rédemption” (Chanoine Bérardier, op.cit., p.27). Finalement, les SdF respectent bien la doctrine catholique, sans tomber ni dans l’augustinisme exagéré (celui des jansénistes), qui tend à décharger l’homme de toute responsabilité dans son salut, puisque seule la Grâce y peut quelque chose , ni dans le pélagianisme, qui exalte l’effort de l’homme au détriment de la nécessité de la Grâce . Là encore, ils sont en plein équilibre thomiste.

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