Fraternité scoute : au-delà des frontières et des religions

En premier lieu, il faut considérer comment BP lui-même conçoit cette fraternité. Lorsqu’il élabore la loi scoute, avec ” le scout est frère de tout autre scout “, il n’envisage pas une extension du scoutisme au-delà de l’empire britannique, et, par conséquent, ne se pose pas la question d’une fraternité au-dessus des frontières. En revanche, le scoutisme est tout de suite envisagé pour les catholiques et les anglicans, et, dans Éclaireurs , BP considère ainsi les différentes religions : elles ressemblent “aux soldats d’une armée qui défendent tous la même patrie bien qu’ils soient répartis dans différentes armes (infanterie, cavalerie, artillerie) et portent des uniformes différents.” [1]Baden-Powell, Éclaireurs , traduction française de R. Bovet, Delachau et Niestlé, Neuchâtel, 1912, p.250. Il croit donc qu’il existe une Vérité, mais que toutes les religions (du moins chrétiennes, puisque, lorsqu’il écrit ces lignes, ce sont les seules intéressées par le scoutisme) la recherchent, chacune sur sa voie. La fraternité scoute dépasse alors les différences religieuses, car elle rassemble sous la même loi des garçons qui recherchent tous, >chacun à sa manière, la Vérité . Voilà qui heurte de plein fouet la doctrine catholique, selon laquelle le Christ a fondé l’unique Eglise et lui a donné son infaillibilité. La religion catholique mène donc seule à la Vérité, tandis que les autres errent plus ou moins dans l’erreur .
Cependant, BP n’impose nullement son point de vue, et laisse libre chaque religion qui adopte le scoutisme d’interpréter la fraternité scoute selon sa propre doctrine . Aux scouts catholiques en partance pour Rome, il recommande bien d’obéir au Pape, leur premier chef en ce monde. Dans l’ensemble, il déconseille fortement le mélange des confessions , et si jamais une troupe rassemble, en Angleterre, des anglicans et des catholiques, il faut alors organiser les patrouilles en fonction des religions. Les chefs doivent pousser chacun à pratiquer son culte, mais, en tout cas , BP ne veut pas entendre parler de cérémonie religieuse mixte : on ne confond surtout pas les confessions. On parle alors d’un mouvement juxta -confessionnel, parce que les différentes religions s’y côtoient sans pourtant se mélanger . C’est pourquoi les catholiques d’Angleterre, d’habitude sur leurs gardes en tant que minoritaires, soutiennent immédiatement le scoutisme naissant.

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References

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1 Baden-Powell, Éclaireurs , traduction française de R. Bovet, Delachau et Niestlé, Neuchâtel, 1912, p.250