Les débuts de la Fédération

Comme on l’a vu, le père Sevin part en septembre 1919 pour Metz, où les réticences de son recteur l’empêchent de fonder une troupe . De passage par Paris, il loge à l’Action populaire , où, lorsqu’il évoque ses projets, on lui parle du chanoine Cornette. Les deux hommes se rencontrent et décident d’unir les six troupes de Lille avec les deux de Saint-Honoré d’Eylau, pour commencer, et de réunir un Comité organisateur, pour un projet national de scoutisme catholique, avec tous ceux, prêtres ou laïcs, qui ont fondé des troupes. S’y joignent donc, le 1er mars 1920, l’abbé d’Andréis, l’abbé Caillet, Henri Gasnier, l’abbé de Grangeneuve, Lucien Goualle et Xavier Sarrazin . On y discute le règlement proposé par le père Sevin, qui le travaille depuis 1913. Après des débats houleux sur la place accordée aux laïcs, jugée trop importante, le père Sevin finit par convaincre le Comité organisateur. Le premier règlement de la Fédération nationale catholique des SdF est officiellement déposé et accepté le 25 juillet 1920 . La Fédération entre dans les normes de la loi de 1901 sur les associations en décembre 1920, avec le numéro 9502, puis est décrétée d’utilité publique en avril 1927. Elle devient vers le début des années trente Association des scouts catholiques, mais, dès 1920, on trouve les termes de fédération et association employés à peu près indifféremment. Si elle a ses principes, sa loi, sa promesse, sa devise, son uniforme, exactement calqués sur BP, elle cherche avant tout à regrouper l’ensemble des troupes catholiques et, par conséquent, accepte que chacune garde ses institutions propres. Quant aux nouvelles troupes, bien entendu, elles s’alignent obligatoirement sur les normes fixées.

Comme on a pu le constater dans le cas particulier des premières initiatives scoutes, la question de la fidélité à Baden-Powell s’avère épineuse. Là encore, le père Sevin a beaucoup de mal à imposer son avis. Depuis sa première expérience, il a opté pour l’adoption intégrale de la méthode, qu’il ne considère efficace qu’à ce prix. La déclaration de principes des Chevaliers de saint Louis, groupement parisien d’inspiration scoute, quant à elle, nous donne un exemple de tri dans la pédagogie initiale : “Les caractéristiques essentielles de notre organisation : absence de louvetisme (Le louvetisme est la pédagogie de BP pour la branche 8-12 ans : elle se fonde sur le Livre de la jungle de R. Kipling), rejet du système des badges(Les badges, aussi appelés brevets, sont des insignes d’aptitude dans diverses matières du scoutisme (campisme, civisme, nœuds, cuisine, etc.), pratique de la liturgie, considérée avec le campisme, le système des patrouilles, le code (Il s’agit ici de la loi scoute, code moral en dix articles) et la promesse comme moyen nécessaire de formation; abolition des cris, totems (Nom d’animal donné à une patrouille, dont il est l’emblème et le modèle), jeux ou autres choses qui rappellent la vie des Peaux-Rouges; reconnaissance effective d’un aumônier directeur exerçant sur le groupe une direction réelle, sous la direction et le contrôle duquel les chefs dirigent la troupe, possédant un droit de veto absolu en toutes matières; adoption de certaines matières telles que chevalerie, liturgie et suppression de certaines autres telles que l’étude de la nature.”(Charte citée par C. Lenoir, dans Le Scoutisme français , Payot, Paris, 1937, p.148). Même suspicion vis-à-vis de la nature que l’abbé d’Andréis.

Au Comité organisateur des SdF, les discussions reprennent. Toutes les troupes catholiques se sont inspirées de BP sans pourtant hésiter à appliquer ses principes comme bon leur semblait. Le père Sevin se retrouve seul, mais se montre tenace. Et il obtient gain de cause. Lorsqu’on lit, peu après, les écrits des SdF, on ne peut imaginer les difficultés pour persuader tout le monde de la fidélité intégrale à BP, tant chacun le défend assidûment… En 1935, le Règlement général précise : “prétendre n’utiliser qu’une partie du scoutisme, c’est renoncer à sa véritable efficacité” (Règlement général, La Hutte, Paris, 1935, p.31). Le père Sevin sait argumenter : ce n’est pas la dernière fois qu’il sauve le scoutisme catholique! Seul l’abbé d’Andréis demeure réticent, et il finit par se retirer du Comité directeur en 1923 , pour marquer son refus d’un exotisme, à son goût, trop prononcé. Il reçoit pourtant officiellement lors d’une cérémonie à Nice en 1957, le titre de “fondateur des scouts catholiques de France”, de la part de l’Association. Quant à ses troupes, baptisées ” Ière France “ dès leur affiliation en septembre 1921, elles restent dans la Fédération.

Parmi les arguments contre le scoutisme, on trouve effectivement souvent celui d’incompatibilité de pensée entre les Anglo-Saxons et les Latins. Sans doute plus d’un a-t-il été rebuté par le style uniquement pragmatique de BP : sur trente-quatre livres et mille cinq-cents articles au sujet de sa méthode, pas une seule définition théorique, aucun exposé rationnel de sa pédagogie, mais une suite de suggestions, d’exemples, de détails pratiques. Les Français n’aiment pas ce genre, et encore moins les catholiques, qui attendent des définitions philosophiques pour juger la pédagogie au regard de leur référence, saint Thomas d’Aquin. Il faut donc un père Sevin, persuadé de la légitimité spirituelle du scoutisme, pour l’exposer au Comité organisateur comme un système éducatif rationnel. Ensuite, les SdF effectuent un travail considérable de théorisation de la méthode . “Les ouvrages de BP sont constitués avec cette très spéciale logique des Anglais. […] . Au contraire, tout pénétrés d’esprit latin et de clarté, des chefs comme Pierre Delsuc, Georges Tisserand, le général de La Porte du Theil ou Edouard de Macedo y ont apporté la rigueur et l’ordonnance du génie méditerranéen.”(C. Lenoir, op.cit., p.221) . “Là où l’esprit britannique se contente de compromis et d’images, il (le scoutisme français) a voulu des situations nettes, des mots définitifs et des idées. Il organise, publie, légifère, souvent avant de réaliser.”(C. Lenoir, op.cit., p.242). L’auteur de ces lignes, l’abbé C. Lenoir, explique, lui-même, comment on peut replacer l’œuvre de BP dans la continuité des grands pédagogues catholiques, et donc se rassurer sur sa bonne lignée. La division des élèves en petits groupes, chez les jésuites, préfigure le système des patrouilles (c’est d’ailleurs la méthode d’émulation que le père Sevin a connue au collège), le jeu constitue un moyen pédagogique important chez les Frères des écoles chrétiennes. En revanche, le scoutisme s’oppose à la mentalité des jansénistes de Port-Royal. Le père Sevin montre donc lui aussi la compatibilité entre la pédagogie de BP et la philosophie catholique, comme avec l’esprit latin, et en persuade le Comité organisateur.

Si, en juillet 1920, la Fédération est officiellement élaborée à la hâte, avant même une existence effective, c’est pour pouvoir envoyer une délégation au jamboree d’Olympia, en août. Dirigée par le père Sevin, elle est formée de treize entraîneurs et deux scouts de Mouscron. Cette présence s’avère en effet importante car ce jamboree voit la création d’un Bureau international, qui reconnaît les associations de scoutisme véritablement héritières de BP. Les SdF siègent ainsi, au même titre que les EdF et les EU, parmi les premiers membres du Bureau ! Ils y reçoivent aussi la bénédiction du cardinal Bourne, archevêque de Westminster. Et, en février 1921, BP envoie à Paris un commissaire apporter aux SdF le drapeau scout. Dès l’été 1920, le père Sevin obtient de son supérieur provincial, le père Bonduelle, d’être détaché au scoutisme, et devient commissaire général des SdF. Dans l’ensemble, il est soutenu par la Compagnie de Jésus. En février 1923, la sortie, quelques mois plus tôt, de son livre sur Le Scoutisme est très favorablement saluée dans les Etudes , revue officielle des jésuites . Après une page et demi de commentaires, René Dutilleul conclut : “Chefs et membres -ainsi que les profanes- trouveront dans cet ouvrage un précieux résumé de l’esprit scout, qui n’est au fond que <>. Il faut remercier le père Sevin de son travail. Je ne doute pas que les SdF ne considèrent ce livre comme une très bonne action de leur commissaire général.”(René Dutilleul, in Etudes n°4 du tome 174e, févr.1923, p.505). Quant au chanoine Cornette, il occupe la fonction d’aumônier général.

Mais si le père Sevin a su convaincre le Comité organisateur pour la place des laïcs et la fidélité à Baden-Powell, certaines troupes antérieures à la Fédération restent réticentes. Revenons aux premières initiatives de scoutisme catholique. En 1922, l’Avant garde Saint-Lazare, la Milice Notre-Dame de l’abbé de Reboul et l’Etoile louhannaise refusent d’entrer aux SdF . Ils poursuivent avec l’abbé Duverne, à Chalon, leurs activités dans la lignée des patronages et l’organisation des colonies de vacances. Quant à la Milice Saint-Michel, après de sérieuses réticences, elle devient en 1922, lors du premier camp national des SdF, la Ie Le Creusot. Puis cette troupe ouvre un clan de routiers (aînés des scouts) en 1924, une meute de louveteaux (cadets des scouts) en 1925, et des scouts marins en 1926. En 1928, un camp régional de Bourgogne permet au chanoine Piguet, de l’Avant-garde Saint-Lazare, de découvrir le vrai scoutisme et d’en devenir un fervent défenseur.

D’autre part, ce n’est pas d’un bon oeil que les autres oeuvres catholiques voient naître cette concurrence. On accuse le scoutisme de chercher, comme but essentiel, à les perdre…programme on ne peut plus intéressant! “L’une des grandes objections que, dès son apparition en France, le scoutisme rencontra dans les milieux catholiques, était tirée des oeuvres existantes. […] . D’autres allaient plus loin et affirmaient catégoriquement que le scoutisme avait été inventé dans l’intention formelle de détruire les patronages.”(Père Sevin, s.j., Le Scoutisme , Spes, Paris, 1922, p.280). Et la critique perdure : en 1929, un commissaire continue de s’en plaindre. “Nous avons rencontré assez souvent, sinon de l’hostilité, du moins un peu de défiance de la part des autres oeuvres catholiques. Il n’y a pas encore longtemps, on nous qualifiait en Bretagne de démolisseurs de patronages.”(Dr. Picquenard, Qu’est-ce que le scoutisme ? , imprimerie du nouvelliste, Rennes, 1929, p.10). Evidemment, la concurrence d’une œuvre aussi attrayante pour de jeunes garçons que le scoutisme s’avère difficile à soutenir.

En quelques mois, les troupes se multiplient : affiliations ou créations. À la fin de 1920, on compte quatre troupes à Nice, une à Aix, une à Menton (il s’agit des Éclaireurs des Alpes), et quatre à Amiens. En octobre 1921, la première troupe de banlieue populaire, fondée l’année précédente par le père Rigaux, de l’Action populaire, à Noisy-le-Sec, se rattache à l’Association . À la fin de 1921, cinquante-huit troupes sont affiliées . L’Ile de France constitue le bassin privilégié de l’expansion SdF. Dès le mois de mai 1921, une réunion régionale groupe deux-cent dix scouts : les six troupes parisiennes, la Iè Ivry, la Iè Compiègne et la Iè Cuts (dans l’Oise) . En juin 1922, le Journal des vaillants compagnons de saint Michel (disponibles au laboratoire scout de Riaumont), dans son n°31, dresse, aux pages 2 et 3, la liste des troupes SdF de l’Ile-de-France.

Les troupes de Saint-Honoré d’Eylau, regroupées sous l’appellation de troupes Saint-Louis , divisées en trois partis en novembre 1920, en comptent désormais quatre : la Ie Paris, les Comanches, est dirigée par Paul Coze ; la Ve Paris, les Athapaches, par J. Carron, la VIème Paris, les Pawnies, par H. Suquet, la Xe Paris, marine, par E. Imbona. Le chanoine Cornette assure l’aumônerie de ces quatre troupes. La IIème Paris correspond aux intrépides, avec H. Gasnier comme chef et l’abbé Caillet comme aumônier. La IIIème Paris aux vaillants compagnons, avec L. Goualle et l’abbé de Grangeneuve (jusqu’en septembre 1922, où il devient vicaire à Saint Charles de Monceau et laisse son aumônerie scoute au curé de l’Immaculée Conception) . En février 1922, cette troupe donne, avec Paul Dubus, le premier chevalier de France, plus haute dignité des SdF. La VIème Paris se trouve à Saint Jean-Baptiste de La Salle, avec P. Bourdieu comme chef et l’abbé Cosson comme aumônier. La VIIème Paris a du mal à se lancer, sous l’impulsion de B. de Chérisey. La VIIIème Paris est rattachée à Saint-Étienne du Mont, avec Pierre Delsuc et l’abbé Roubinet. Les Troupes IV, VII et VIII constituent bientôt ensemble les troupes du cardinal, et montent leur propre journal, Le 478 , sous la responsabilité de P. Bourdieu. La IXème Paris est dirigée par J. Magnez et l’abbé Pomarède.

La XIème Paris, à Notre Dame de Clignancourt, par M. Barrier et l’abbé Klein, après avoir été fondée en février 1922 par la Ve Paris. La XIIème Paris correspond à la paroisse Saint-Augustin, avec H. Verley et l’abbé Duchauftour. En banlieue, on trouve la Ie Asnières, la Ie Ile-Saint-Denis, avec Marcel Coze et l’abbé Agar , la Ie Noisy-le-Sec, avec J. Desponts et l’abbé Rigaux, la Ie Versailles, avec M. Barrier (le même qu’à la XIème Paris) et l’abbé Richaud . Avant l’été 1922, il faut des commissaires de province pour l’Ile-de-France, la Provence et le Nord. Le Havre multiplie aussi ses troupes, sous l’impulsion du père dominicain Héret : le patronage Saint-Thomas d’Aquin donne naissance aux troupes Ie, IIème et IIIème Le Havre, dont l’une est marine, en novembre 1922, d’après l’ Echo du patronage (n°274) (disponibles au laboratoire scout de Riaumont).

Du 1er au 10 août 1922, le premier camp national réunit à Chamarande, superbe propriété à une soixantaine de kilomètres au Sud de Paris, mise à la disposition des SdF, six-cents participants, sur trois mille membres dans l’Association. Louis Faure nous en rapporte un épisode révélateur, alors que sa troupe du Creusot, au début du camp, vient juste de s’affilier, à condition de garder sa loi en douze articles, son uniforme et toutes ses coutumes propres : “Si, par souci de dignité, nous avons tenu à garder jusqu’à la fin du camp nos particularités, notre choix était fait dès ce moment. À peine rentrés chez nous, nous abandonnions notre traditionnel béret pour le chapeau à quatre bosses orné de la croix potencée, symbole, pour nous, de notre attachement indéfectible à l’Association nationale.”(Louis Faure, 1912-1967, Le scoutisme au Creusot, au Breuil, en France et au-delà… , probablement édité aux Amitiés de France, 1971, et cité dans Un jour… les scouts , édition de l’Orme rond, 1981, p.22).

Pour les camps-écoles destinés à former les chefs , les SdF participent d’abord à ceux qu’organisent d’autres associations, notamment le Comité américain pour les régions dévastées. On a déjà parlé du camp de Francport, en septembre 1920. L’été suivant, le père Sevin, le chanoine Cornette et le général de Maud’huy, Chef scout de la Fédération pour moins d’un an (il meurt justement en juillet 1921), participent, avec quelques autres chefs, à un camp-école où ils retrouvent des EdF et des EU. Mais, en juillet et août, les SdF organisent eux-mêmes leur premier camp de formation des chefs pour les troupes Saint-Louis.

À la fin de 1922, le père Sevin et le chef Blanchon suivent en Angleterre le camp-école de Gilwell-Park. “Sir Robert Baden-Powell octroyait au futur mestre de camp de Chamarande (le père Sevin) le titre et les droits de Deputy Camp Chief, ce qui vis-à-vis du scoutisme universel place Chamarande sur le même plan que Gilwell-Park. […] . Cet honneur et cette marque de confiance étendue pour la première fois à une organisation étrangère au pays d’origine du scoutisme, nous imposent de ne pas déroger.”(in Le Chef n°11-12, janv.-févr.1923, p.158). L’été 1923 voit donc le premier camp-école pour tous chefs SdF et en 1926, le père Sevin peut se vanter : “À ce jour, deux-cent vingt-cinq chefs et quarante-quatre cheftaines y sont passés. De Suisse, de Belgique, de Bulgarie, de Pologne, on est venu suivre les cours de Chamarande” (Père Sevin, s.j., in Le Chef n°33, janv.-févr.1926). En effet, les scouts catholiques des autres pays préfèrent souvent venir se former à Chamarande plutôt qu’à Gilwell-Park.

Les troupes Saint-Louis servent alors de modèle et d’expérimentation pour la Fédération nationale naissante : on y forme des cadres pour fonder des troupes à Paris et en banlieue, et les futurs commissaires de la Fédération. Leurs locaux servent de siège au Q. G. des SdF, et La Hutte, coopérative de la Fédération, prend naissance dans les souterrains de Saint-Honoré d’Eylau. Lorsque des troupes se fondent en Ile-de-France, soit les entraîneurs vont sur place leur apprendre les techniques scoutes, soit les chefs des nouvelles unités viennent en stage à Saint-Honoré. Par exemple, le curé de l’Ile Saint-Denis, l’abbé Agar, convaincu par la brochure du chanoine Cornette L’éducation morale par le scoutisme catholique (comme il l’explique lui-même dans son Echo paroissial (disponibles au laboratoire scout de Riaumont), en 1922, décide alors de monter une troupe. “La plupart des jeudis et des dimanches, les scouts de Saint-Honoré d’Eylau vinrent fraternellement initier les petits novices à la vie scoute.” Le 2 avril 1922, les huit premiers scouts de l’Ile Saint-Denis sont prêts à prononcer leur promesse, et Marcel Coze accepte de laisser la responsabilité de la IIème Paris à René Bineau (le n°II est passé des intrépides aux scouts de Saint-Honoré lors de la fondation de leur cinqu ième troupe) pour devenir le chef de la Ie Ile Saint-Denis.

Par souci de francisation et par crainte de l’accusation de maçonnerie, le premier règlement de l’Association prévoit, pour les petits frères des scouts, les Genêts, qui obéissent à la règle dite de la bruyère, puisque la branche cadette anglaise des louveteaux s’appuie sur le Livre de la jungle de R. Kipling (le père Sevin a même d’abord pensé les appeler les “petits lapins” !) . C’est, bien entendu, à Saint-Honoré qu’a lieu la première expérience : en décembre 1920, Macedo, aidé de deux scouts, réunit et dirige les premiers genêts. Le Livre des louveteaux sert cependant de guide et, dès les premières réunions, on pousse le “grand hurlement”, scansion de la devise “de notre mieux” censée imiter le cri du loup. En octobre 1921, un scout des troupes Saint-Louis, Jean Duriez-Maury, 16 ans, devient le premier routier, et Macedo lui propose comme service de s’occuper des genêts, divisés en octobre 1921 en deux bandes, les rouges et les bleus.

Mais, déjà, le chanoine Cornette pense les confier à des jeunes filles . En novembre 1921, il présente ainsi sa nièce de 17 ans, Jeanine Chabrol, aux bleus. Malgré ces précautions, les louveteaux enragés par cet intrus féminin en cassent un banc ! Tout finit tout de même par rentrer dans l’ordre après intervention de Macedo et du chanoine Cornette. Le mois suivant, la troisième bande est constituée : Jean-Pierre Demaldent en prend la tête mais se fait aider de Germaine Bineau. En janvier 1922, les responsables des trois bandes décident d’abandonner les genêts pour appliquer littéralement le Livre des louveteaux , sous la direction du commissaire Gasnier . Il y a alors soixante louveteaux. Ils campent pour la première fois l’été 1922. En 1923, le père Sevin et Edouard de Macedo suivent le camp-école de Gillwell pour la branche louvetisme. L’expérience se répand alors dans les autres groupes scouts. En 1926, les louveteaux découvrent Chamarande pour un premier camp national. Miss Vera Barclay, catholique, commissaire national du louvetisme en Grande Bretagne , participe à son encadrement. On compte alors six-cents louveteaux en France. En 1936, ils sont vingt-deux mille.

C’est encore aux troupes Saint-Louis que sont fondés les premiers scouts marins , en 1921, par Edouard de Macedo et René Bineau. Quatre scouts constituent la Xe Paris lors du premier camp sur la Seine, à l’île de Bouaffles, après avoir participé à la grande semaine maritime du Havre, en juillet. Mais dès la rentrée 1921, ils forment deux patouilles, et le camp de Pâques suivant se déroule aux îles Chausey. L’été 1922, la Xe Paris participe au camp national sous la direction d’E. Imbona, et en gagne le concours. Enfin, le premier règlement des SdF ne prévoit pas de branche route (au-dessus des éclaireurs), mais seulement, pour plus tard, des “scouts entraîneurs”, à l’initiative desquels le Comité directeur laisse libre cours. Après la première expérience, en octobre 1921, de Jean Duriez-Maury, le nombre de routiers grandit petit à petit à Saint-Honoré d’Eylau, mais ce n’est que l’hiver 1924-25 qu’ils se groupent en patrouilles et forment un clan, baptisé en avril au moment du premier départ (cérémonie d’engagement à vivre selon l’esprit scout toute sa vie) . Macedo en prend bientôt la direction.

Si les routiers ne se répandent que lentement, les scouts, eux, se multiplient rapidement, pendant tout l’entre-deux-guerres. En 1928 , la revue Le Chef  annonce 390 troupes, 193 meutes (de louveteaux) et 37 clans (de routiers) . De plus , 134 troupes sont en cours de formation . En 1939, avec soixante-douze mille membre, l’Association regroupe deux pour cent des enfants de France entre huit et dix-huit ans. Bien que largement plus récente, elle dépasse vite les EdF et les EU. En 1929, au jamboree de Birkenhead, en Angleterre, la délégation française se compose de deux-mille quatre-cents scouts, dont mille quatre-cents SdF.

Dans des conditions peu claires, le père Sevin, après avoir été déclassé de son grade de commissaire général, fonction supprimée en 1924, pour ne garder que la charge de commissaire à la formation des chefs, est évincé du Q. G. en 1933. L’orientation du mouvement ne change pourtant pas. Le chanoine Cornette, comme aumônier général, et le général de Salins, comme Chef scout de la Fédération, continuent bien dans l’optique tracée par le père Sevin, jusqu’à leur mort en 1936. Le père Doncœur , connu pour son œuvre d’aumônier militaire pendant la Grande Guerre, découvre le scoutisme lorsque Forestier, alors commissaire assistant routier, l’invite à un camp en 1924. En 1926, il accepte de devenir aumônier du cercle Psichari, centre de formation des chefs routiers d’Ile-de-France, et influence fortement la spiritualité de la route. À la mort du chanoine Cornette, le père Forestier , entre temps passé au noviciat dominicain, devient aumônier général des SdF et le restera pendant vingt ans.

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